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2ème dimanche du temps ordinaire
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 1, 35-42
Jean Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit :
« Voici l'Agneau de Dieu. »
Les deux disciples entendirent cette parole, et ils suivirent Jésus. Celui-ci se retourna, vit qu'ils le suivaient, et leur dit :
« Que cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Rabbi (c'est-à-dire : Maître), où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. »
Ils l'accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là.
C'était vers quatre heures du soir.
André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d'abord son frère
Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit : le Christ).
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t'appelleras Képha » (
ce qui veut dire l: pierre).
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Que cherchez-vous ?
Christine Fontaine
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Il faudrait bien être un peu fous !
Michel Jondot
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Où demeures-tu ?
Christine Fontaine
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Que cherchez-vous ?
Un trou noir
Vous regardez un film à la télévision ou au cinéma. L’histoire suscite votre intérêt. S’il s’agit d’une histoire d’amour, vous êtes tendus vers un heureux dénouement. Si c’est un film policier, vous attendez le moment où le coupable sera enfin trouvé. Et lorsqu’il vous semble que tout va se jouer dans la scène suivante, le film s’arrête : un trou noir envahit l’écran. Vous espérez que la panne sera bientôt réparée. Mais lorsqu’enfin le film reprend, il manque une longue séquence, la scène principale du film. La suite devient sans intérêt voire incompréhensible sans ce morceau de film définitivement manquant. Vous vous sentez frustrés et, si vous êtes au cinéma, avec tous les autres spectateurs vous demandez à être remboursés.
Ce récit de saint Jean nous rend participants d’une semblable mésaventure. L’histoire avait bien commencé, elle était prenante. Nous assistons à la première rencontre de Jésus avec ceux qui feront partie de ses proches. Jean-Baptiste passe la main. Il oriente ses deux disciples vers Jésus qui allait et venait. Ceux-ci le suivent dans sa déambulation. Jésus se retourne, voit qu’ils le suivent et leur demande ce qu’ils cherchent. Ils lui répondent : « Maître, où demeures-tu ? » « Venez et vous verrez. » Ils voient où il demeure. C’était vers 4 heures du soir. Ils restèrent auprès de lui ce jour-là. Et stop ! Tout s’arrête ! C’est le trou noir !
L’indicible
De la rencontre des premiers disciples avec Jésus nous connaissons les prémisses. Mais du cœur - de la rencontre elle-même - nous ne savons rien. Comment était Jésus ? Quel était l’expression de son visage ? Que leur a-t-il dit ? Sur quel ton leur a-t-il parlé ? Se sont-ils même entretenus ? Nous l’ignorons totalement. Où était précisément cette maison ? Comment était-elle ? Palais de notable ou barraque de pauvre ? La scène se passe en Judée alors que Jésus est de Galilée. Qui étaient ses hôtes ? Jésus vivait-il seul ? Avaient-ils déjà d’autres amis et, si oui, étaient-ils présents lors de la rencontre ? Jean ne nous le dit pas. Le film s’est cassé au moment le plus important et, quand il reprend, nous ne voyons que les conséquences de cette première rencontre. André va trouver son frère en lui disant qu’il a trouvé le Messie.
L’évangile de Jean se termine, le jour de Pâques, sur la constatation d’un tombeau vide. Il commence par un trou, un autre vide, une absence de description, comme un oubli ou une impossibilité de dire autre chose que « nous avons trouvé le Messie ». Au jour de Pâques, à partir du vide du tombeau Jean « vit et il crut ». Au début de l’Évangile, il s’est passé quelque chose dont les premiers apôtres ne peuvent rien dire. Un évènement plus important que tout ce qu’on pourrait en dire : ils ont trouvé celui qu’ils cherchaient, celui qui éveille leur désir au point qu’il ne leur est plus possible de vivre sans le suivre. C’est le premier acte de foi des disciples de Jésus-Christ dans l’histoire humaine.
Leur foi va devenir contagieuse. André va trouver son frère et le mène à Jésus qui lui donne un nom nouveau : « Tu es Simon, fils de Jean, tu t’appelleras Képha (ce qui veut dire ‘Pierre’). » C’est le début d’une histoire nouvelle pour Pierre et les autres. Désormais, ils suivront Jésus. Ils traverseront bien des doutes et des déceptions jusqu’à la suprême épreuve lorsqu’ils le verront mourir sur la croix. Ils auront peur, ils ne comprendront pas toujours mais ils ne pourront pas ne pas le suivre. Et dans les épreuves qu’ils subiront à la suite de Jésus, leur foi s’affermira jusqu’à accepter de mourir pour témoigner que par Jésus la mort est vaincue.
Plus lumineux que le jour
Nous confondons souvent la foi avec les monuments que nous construisons autour d’elle. Le fait de réciter le credo ensemble, les dogmes, la morale, les cathédrales ou les chapelles perdues dans la campagne ne sont que des retombées de la foi. Mais de la rencontre avec Jésus, nous ne pouvons dire que « ce n’est pas cela » car ce ne sera jamais de l’ordre de ce qu’on peut dire ou décrire. Mais nous savons qu’il n’est rien de plus précieux dans nos vies. Sans faire l’expérience de ce trou noir plus lumineux que le jour, de cette interruption du film de nos vies par une rencontre indicible, nous ne sommes pas croyants.
Ceux qui font l’expérience de cette rencontre ne cherchent pas d’abord à consolider les murs d’un édifice. Ils savent que « l’heure vient et c’est maintenant où ce n’est plus sur le mont Garizim ou au temple de Jérusalem que le Père est adoré » comme Jésus le déclare à la Samaritaine. « Que cherchez-vous ? », demande Jésus à ses premiers disciples. Nous cherchons à rencontrer le Christ sur les routes humaines. Nous cherchons, par lui, à être maintenus en Dieu, dans cet Amour qui nous dépasse totalement, en tout temps et en tout lieu. Par-delà les désirs de loisirs, de travail ou de rencontres que nous avons, c’est là notre désir profond… celui dont on ne peut rien dire mais qui, par grâce, innerve nos vies concrètes de croyants.
Christine Fontaine
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Il faudrait bien être un peu fous !
Qui répondait à l'attente de ces deux fous qui ont massacré l'équipe de Charlie-Hebdo ?
Beaucoup, sans doute, connaissent ce beau poème d’Henri Michaux. Il s’impose à moi à la lecture de cet Evangile. Il me revient souvent en mémoire au fil
de l’actualité lorsque j’entends parler de ces jeunes devenus fous. Ils se convertissent à l’islam et partent en Syrie ou ailleurs pour une guerre qu’ils croient sainte.
« Qu’est-ce que je fais ?
J’appelle.
J’appelle.
J’appelle.
Je ne sais qui j’appelle
Qui j’appelle ne sait pas »
Malheur des temps ! Chaque personne humaine est traversée par un désir fou que la société, moins que jamais peut-être en ces temps de crise, ne peut
satisfaire. Cherchons ailleurs : « Nous sommes des étrangers sur la terre... » : tels sont les mots de leur chant. Une grande insatisfaction habite jeunes
gens et jeunes filles. A en croire les chiffres officiels, en novembre 2014, 1 132 personnes d’origine européenne répondraient aux appels du Daesch ;
on en repère 373 en Syrie dont un grand nombre de convertis du christianisme. Des propositions folles venant d’un Califat fantôme et qui recrute des
Brigades internationales, parviennent dans une Europe déboussolée, décevante. Un grandiose désir de vivre sombre dans une entreprise de mort. Pour répondre
à cet appel, convenons-en, il faut bien être un peu fou. Illusion démoniaque !
Sans doute n’étaient-ils pas tellement différents de nos jeunes désabusés d’aujourd’hui, ces deux disciples qui entouraient Jean-Baptiste. De la bouche
de ce dernier s’échappent des mots désignant un être faible, un agneau. Il dit « Voici l’Agneau de Dieu ! »
Reprenons la suite du poème :
J’appelle quelqu’un de faible,
Quelqu’un de brisé.
J’appelle quelqu’un de là-bas
Quelqu’un au loin perdu,
Quelqu’un d’un autre monde.
Les amis du Baptiste entendent la réflexion. Ils n’ont pas même à appeler : les regards se croisent (« Jésus, se retournant, vit qu’ils le suivaient
et leur dit : Que cherchez -vous ? ») Quelle belle intelligence chez le Galiléen venu de Nazareth ! Un seul regard lui permet de déceler l’attente,
l’appel qui les habitent, l’appel qu’ils n’osent formuler, le désir d’un autre monde plus grand que celui où ils mettent leurs pas, le désir de
rencontre d’un être tellement lointain qu’il est inaccessible. « Quelqu’un au loin perdu ! » est sous leurs yeux.
Mystère de l’Incarnation ! Ce monde décevant, parfois prend des allures de Royaume. Quelqu’un d’un autre monde est venu le rejoindre. A l’histoire
des peuples qui se déroule au fil des siècles se lie l’Autre de l’Univers, plus grand que lui mais inséparable de lui. Non seulement nous l’appelons
mais lui-même nous appelle : « Adam ! Où es-tu ? » dit Dieu aux premiers jours. Et sa parole a pris chair. Il est venu parmi les siens. La plupart
ne l’ont pas reconnu mais à ceux qu’il a reconnus, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu et de voir le monde sous une couleur nouvelle :
« Ce jour-là, il leur dit : Venez et vous verrez ». Ils le suivirent sans trop savoir. Il posa simplement son regard sur eux. Ils sont partis sur un
regard, ils ont suivi un inconnu. Il fallait bien être un peu fous ! Jésus reconnut leur fragilité et pourtant il voyait bien que leur réponse les
rendait forts et durs comme un roc : « Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Képhas,
ce qui veut dire : Pierre ».
« Quelqu’un de fier que rien n’a pu briser »
Ils l’ont suivi jusqu’à la croix, jusqu’à la mort et pourtant le cœur, par-delà toute déception, s’est rajeuni. Il l’a promis : le voici avec nous
jusqu’à la fin des siècles, l’Agneau brisé. Le croyant dont le cœur est assez grand sait le reconnaître non là où l’homme est exalté, comme chez les
chefs du califat, mais là où le pauvre est écrasé, menacé, appelant le salut. On le reconnaît là où l’on entend quelqu’un dire « J’appelle » !
Chrétiens, méfions-nous. Nos cœurs peuvent se durcir. Nous sommes capables de rendre ce monde démoniaque malgré l’Esprit reçu. Même les dignitaires
de l’Eglise – rappelez-vous les remontrances du Pape François aux Cardinaux – peuvent abîmer ce monde et en écarter celui qui est de « là-bas ». Le
grand désir qui fait de nous des vrais humains est peut-être refoulé. Retrouvons la jeunesse du cœur :
« J’appelle,
J’appelle du fond de la tombe de mon enfance...
....
L’appel m’étonne encore,
Du fond de mon désert présent.
J’appelle,
J’appelle »
J’en suis sûr, on répondra !
Michel Jondot
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Où demeures-tu ?
Une maison
Jésus se retourna, vit que les deux disciples de Jean le suivaient et leur dit : Que cherchez-vous ? »
Que cherchent-ils en quittant Jean Baptiste ? Ils ne le savent probablement pas encore. Ils ignorent que pour eux commence une aventure qui dépassera tourtes leurs attentes.
Et ils lui répondent : « Rabbi (c’est-à-dire Maître), où demeures-tu ? »
Ils cherchent à pouvoir retrouver cet homme, à pouvoir le rejoindre dans les jours à venir. Ils cherchent à connaître le lieu où il habite et ils s’y rendent.
C’est l’appel de la vie publique de Jésus et l’appel des premiers disciples.
Trois ans plus tard, le Jeudi saint, avec les autres disciples, André et Jean participeront au dernier repas de Jésus. Aujourd’hui, ils sont
trois autour de la table dans la maison du Maître lorsque vers quatre heures du soir ils entrent chez lui pour la première fois. Le Jeudi
saint ils seront onze ou douze à qui Jésus dira : « Ne savez-vous pas que je demeure en mon Père et mon Père en moi ? »
Jésus sait qu’il est alors à la fin de sa vie publique. Bientôt Jean l’apôtre verra son corps cloué en croix. Bientôt le corps de Jésus va
disparaître à leurs regards. Ils n’auront plus de maison où, comme au premier jour, ils pourront avec lui, entrer et partager le repas du soir.
Ils n’auront plus de lieu où le trouver ; Jésus lui-même sera leur demeure : « Demeurez dans mon amour comme je demeure dans le Père,
et que le Père demeure en moi. »
Une demeure
« Ne le savez-vous pas, dit saint Paul aux Corinthiens, votre corps est le temple de l’Esprit saint qui est en vous ».
Au premier jour de sa vie publique, l’Agneau de Dieu – le Messie – se manifeste dans un corps charnel. Il est, comme
tout être humain, marqué par des contingences matérielles. Tant que l’on vit dans un corps de chair, il faut un lieu pour habiter,
un lieu pour demeurer. Et c’est en habitant ensemble une même maison que l’on peut se rejoindre, s’entendre, s’écouter.
Le dernier jour de sa vie publique, Jésus révèle que son corps est le signe visible d’une réalité invisible ; le corps de Jésus va disparaître
mais la réalité invisible demeure : les disciples vivent à la place de Jésus sur cette terre, leur corps est Temple de l’Esprit.
Ils sont la demeure de Dieu. Dieu demeure avec eux en tous lieux.
« Maître, où demeures-tu ? » demandent les croyants de tous les temps. Et toujours nous
sommes tentés de fixer la présence de Dieu dans des lieux déterminés. Nous aimons, comme André et Jean, rejoindre
notre Dieu dans des demeures de pierre où Jésus nous invite à nous asseoir à la tombée du jour. Nous aimons
les petites églises romanes ou les abbayes cisterciennes ; nous reconnaissons, en ces pierres, la maison de Dieu.
Et Jésus le veut bien ; lui, qui ayant pris chair, sait que nous avons besoin de lieux pour que nos pauvres corps
se reposent. Mais nous oublions que ces abbayes et ces églises de pierre ont été construites par des disciples de Jésus Christ.
Les pierres qu’ils nous ont laissées sont l’expression de leur foi, de leur vie.
Une terre sainte
En entrant dans une église de pierre, comme André et Jean, au premier jour de leur vie avec Jésus, souvenons-nous que nous sommes appelés
à quitter ces lieux et à devenir la demeure de Dieu parmi les hommes. Souvenons-nous que nous sommes appelés à demeurer en Dieu,
demeurer dans l’Amour au milieu d’un monde marqué par tant de blessures.
Les églises de pierre, les abbayes, les cathédrales peuvent nous mettre à l’écart des coups pour un temps. Elles peuvent être un havre
de paix où Dieu nous invite à nous asseoir, à nous laisser réconforter par lui. Mais ces lieux consacrés à Dieu ne demeureront une
terre sainte que si les hommes et les femmes qui s’y réunissent acceptent de faire Corps avec les autres au nom de Jésus Fils de Dieu.
Maître, où demeures-tu ? demandent les croyants de tous les temps. « Je demeure, dit Jésus, sur la terre des hommes.
Je demeure là où des hommes et des femmes acceptent de quitter la chaleur des églises pour marcher à ma suite. Je demeure
là où mes disciples supportent l’injustice pour eux-mêmes et ne la tolèrent pour personne d’autre. Je demeure là où des croyants
refusent de céder à la violence. Je demeure là où mes apôtres consentent à descendre en enfer pour en sortir tout autre.
De ceux-là je suis le Messie ; pour ceux-là commence de jour en jour une aventure qui dépasse toute espérance. »
Christine Fontaine
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