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2ème dimanche du temps ordinaire


Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 2, 1-11

Il y avait un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples.

Or, on manqua de vin ; la mère de Jésus lui dit : « Ils n'ont pas de vin. » Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n'est pas encore venue. » Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu'il vous dira. » Or, il y avait là six cuves de pierre pour les ablutions rituelles des Juifs ; chacune contenait environ cent litres. Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d'eau les cuves. » Et ils les remplirent jusqu'au bord. Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. Le maître du repas goûta l'eau changée en vin. Il ne savait pas d'où venait ce vin, mais les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l'eau. Alors le maître du repas interpelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier, et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant. »

Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C'était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

« Tout est grâce »
Michel Jondot

Un certain regard
Michel Jondot

Le premier miracle
Christine Fontaine


« Tout est grâce »

On attend des miracles

Aux heures de grande détresse, quand on a peur pour sa propre vie ou pour celle de ceux qui nous sont chers, quand on craint de voir s’éteindre nos amours, quand nos entreprises risquent d’échouer, quand l’injustice et la violence s’étendent autour de nous ou dans le monde, on se désole. On en appelle à Dieu. On attend un miracle.

Paradoxalement, on hausse les épaules quand on entend parler de miracle. La raison explique tout. C’est en recourant à elle qu’on peut tout comprendre ; c’est sur elle qu’il faut se reposer pour faire face au malheur.

Une scène invraisemblable

Avouons que le texte d’aujourd’hui est assez déconcertant. Le bon sens est heurté par ce récit d’eau changée en vin. Jésus serait-il un magicien ou un prestidigitateur ? La déception éventuelle des convives et l’embarras du maître du repas ne sont pas des catastrophes. Pourquoi Jésus manifesterait-il sa volonté de sauver le monde par une action aussi insignifiante ?

En réalité, Jean souligne que l’événement n’avait rien de spectaculaire. Le maître du repas s’étonne mais ne s’extasie pas. Il se contente de rapporter à l’époux l’incongruité de la situation : « Tout le monde sert le bon vin en premier. » Si Jésus avait voulu en mettre plein la vue, les serviteurs auraient été frappés. On se contente de nous dire qu’ils avaient vu : « ils savaient bien » mais ils n’étaient pas même étonnés. Rien ne nous est dit des réactions des convives. N’est-ce pas étrange ?

Il faut bien en convenir, cette scène est invraisemblable. C’est une autre histoire qu’on devine derrière cet épisode. Deux détails intriguent. Pourquoi s’adressant à sa mère, l’interpelle-t-il de façon solennelle en l’appelant « Femme » ? Par ailleurs, que signifie sa réaction : « Mon heure n’est pas venue » ? Lorsque l’Evangéliste écrit son livre, en effet, il a, présentes à l’esprit, les paroles prononcées au bord du procès : « Elle est venue cette heure. » Il s’agit de ce temps qui, passant par la croix, débouchera sur le jour où les disciples pourront dire « Mon Seigneur et mon Dieu ». Au cœur de cette traversée, en la personne de Marie, la femme sera là, figure de l’Eglise, à en croire la tradition : « Femme, voici ton fils. »

L’aventure de la foi

L’épisode de Cana inaugure cette aventure. Quand on lit un récit, il faut attendre la fin pour en découvrir le secret. L’histoire aboutit, en réalité, à montrer la découverte des disciples. Ils n’ont pas assisté à un miracle ou, plus exactement, le miracle n’est pas celui qu’on pourrait penser : « ses disciples crurent en lui. » Oui, la transformation de l’eau est invraisemblable mais la véritable invraisemblance est d’en venir à croire. Sur les bords du lac, ils avaient suivi Jésus parce qu’ils voyaient naître une grande amitié. Un jour, « c’était à Cana, en Galilée », ils en sont venus pour la première fois, à dire que ses actes étaient des signes qui leur étaient adressés. « Il manifesta sa gloire », nous dit-on. Mais les convives n’avaient vu en lui qu’un invité parmi les autres : « Jésus avait été invité au mariage avec ses disciples ». Pour percevoir cette gloire, il fallait une transformation plus invraisemblable que celle de l’eau changée en vin. Sans un changement de regard, les disciples n’auraient pas perçu qu’en Jésus, Dieu faisait signe ? Il n’est rien de plus humain que d’avoir des amis qui vous invitent à la noce. Mais voir dans un être de chair et d’os, un envoyé de Dieu, une présence de Dieu, dépasse nos forces humaines. Croire s’accompagne d’une certitude dont la source nous échappe. Croire ne nous fait pas sortir de l’humanité. En elle-même celle-ci est rejointe par ce qui la dépasse.

Le combat de la foi

Mais croire est un combat « contre la chair et le sang ».

Il est vrai qu’en traversant des heures sombres, lorsque tout appui nous fait défaut, lorsque le ciel reste sourd à nos appels, il est difficile de comprendre le sens de la vie. Il n’en reste pas moins que nous restons pris dans le monde des signes : au cœur même de la souffrance Dieu nous fait signe. Si nous répondons en disant « je crois », nous vivons un miracle. On ne peut pas comprendre la souffrance, c’est vrai. Précisément l’acte de foi que nous posons dépasse toujours ce que nous dicte la raison. La foi en Jésus a surgi chez les disciples, une première fois, dans la joie et dans un climat de fête lorsqu’ils répondirent à un signe qui les dépassait. Dans les dernières lignes de l’Evangile de Jean, la foi des disciples surgit dans un tout autre contexte : devant les plaies de Jésus au côté et aux mains, Thomas s’écrie « Mon Seigneur et mon Dieu ». Tout est signe pour celui qui croit.

Faut-il cesser de croire aux miracles ? Faut-il s’interdire d’appeler au secours dans les jours de détresse ? Ce serait oublier Celui qui nous dépasse et en qui nous mettons notre confiance. Mais si Dieu reste sourd, persévérons dans la foi. « Tout est grâce. »

Michel Jondot


Un certain regard

L’expérience du regard

Il ne suffit pas d’être jeune ou d’avoir un bon opticien pour être capable de bien voir ; songez au médecin qui décèle, en regardant une tache sur la peau, le symptôme d’une maladie qu’il est capable de reconnaître. Il ne lui suffit pas d’avoir une bonne vision pour discerner la réalité. Il lui faut de nombreuses années d’études et une bonne expérience. Un long et sérieux travail lui permet de comprendre ce qui touche son regard.

Je songe aux grands artistes. Comment se fait-il que des hommes cultivés n’aient pas reconnu, de son temps, le génie d’un peintre comme Van Gogh. Quand l’église d’Auvers sur Oise ou le grand oiseau sombre qui s’abat sur un vaste champ de blés dorés sont placés sous nos regards, nous sommes touchés profondément. Aucune des toiles de ce grand homme n’a été remarquée par ses contemporains qui pourtant avaient d’aussi bons yeux que nous. Il a fallu un long travail pour que nous soyons capables aujourd’hui de rejoindre le niveau esthétique auquel le peintre flamand a été capable de nous hausser.

Voir ou ne pas voir

Ces expériences humaines peuvent nous aider à comprendre cet épisode des noces de Cana. Aujourd’hui, nous sommes touchés par le côté spectaculaire de l’événement. L’eau changée en vin ! Pareil miracle devrait frapper les regards. Les bénéficiaires auraient dû être stupéfait : on leur en mettait plein la vue, comme on dit aujourd’hui.

Nous nous trompons. On signale que les servants ont bien vu l’intervention de Jésus ; ils ont été capables d’entendre la demande qu’on leur adressait et, en bons serviteurs, ils se sont soumis aux ordres reçus : « remplissez », « puisez », « portez » et ils exécutent. Apparemment ils ne sortent pas de leur rôle servile. Ils n’éprouvent pas même le besoin d’expliquer au majordome ce qui s’est passé. (Le maître du repas ne savait pas d’où venait ce vin, tandis que les servants le savaient). Quant à ce fameux maître, ses sentiments sont étonnants. Loin d’être émerveillé, il vient demander au jeune marié pourquoi le protocole n’a pas été respecté : « Il appelle le marié et lui dit : 'tout homme sert d’abord le bon vin…Toi tu as gardé le bon vin jusqu’à présent !' » Apparemment l’époux ne réagit pas et l’épouse encore moins. Quant aux autres invités se sont-ils même aperçu de quelque chose ? Rien ne permet de le penser.

On ne nous signale pas ce que les disciples ont remarqué ; toujours est-il qu’à leurs yeux l’événement manifestait la gloire que le Verbe est venu révéler et, nous dit-on, « ils crurent en lui ». Il faut préciser qu’ils avaient un avantage sur les autres convives. La veille, ils avaient été pris dans un jeu de regard. Il avaient été surpris par la remarque de Jean Baptiste : « Voici l’agneau de Dieu » ; ils avaient été pris dans un face à face : « Jésus se retourna : venez et voyez » ; ils y vont et ils voient, tout simplement, « où il demeurait ». Relisez à tête reposée la page qui précède et qui met en route les tout premiers amis de Jésus : André, Simon, Philippe, Nathanaël. Repérez le nombre de fois où le verbe « voir » est employé et méditez la dernière phrase de Jésus ; elle est une promesse : « Vous verrez le ciel ouvert… »

Une affaire de regard

L’histoire de Cana est vraiment une affaire de regard. Elle prépare un certain regard que Jean l’Evangéliste ne pourra jamais oublier. « Mon heure n’est pas encore venue », dit Jésus à sa mère qui le presse d’intervenir. L’heure de Jésus est celle où il passera de ce monde à son père, l’heure à la fois du repas de l’Eucharistie et de la Croix. Cette heure est encore une affaire de regard. Au pied de la croix se tenaient Jean et Marie. Vous connaissez la scène. Jean, qui raconte le miracle de Cana, était le seul témoin et il insiste pour faire entendre qu’il a vu : « Celui qui a vu rend témoignage – son témoignage est véritable, et celui-là sait qu’il dit vrai – pour que vous aussi vous croyiez. »

Il a vu le coup de lance et il a reconnu que l’ouverture aux côtés, en réalité, était l’ouverture du ciel dont il avait reçu la promesse.

S’il est vrai que pour s’élever jusqu’au niveau de beauté atteint par Van Gogh, il faut du temps, il faut de la culture, il faut un travail qui convertit le regard, imaginez quelle transformation intérieure est nécessaire pour découvrir et reconnaître la manifestation de Dieu, son épiphanie qui se poursuit à travers l’histoire. Il y faut une profonde transformation du cœur. Il nous faut aussi répondre à l’invitation à laquelle Jean répondait, la veille des noces de Cana : « Venez et voyez. » Seul l’Esprit de Dieu peut nous hisser à ce niveau où, derrières toutes les vicissitudes de l’histoire, nous découvrons qu’aujourd’hui encore Dieu nous fait signe. Ouvrons nos cœurs au travail de l’Esprit : Il ouvrira nos yeux.

Michel Jondot


Le premier miracle

Dieu change la matière

Que s’est-il passé à Cana lorsque le Fils de Dieu accomplit son premier miracle ? Jésus Christ transforme la matière, il change l’eau en vin. Ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu. Les disciples sont témoins de la toute-puissance de Dieu ; c’est pourquoi ils ont cru.

Que s’est-il passé à Cana ? De l’eau changée en vin, certes ! Mais de ce changement qui en a été témoin ? Assurément Jésus et les servants mais pour tous les autres – hormis Marie – c’est beaucoup moins sûr. L’intendant, les mariés, les invités n’ont rien su. Quant aux disciples, Jean omet de nous dire qu’ils ont goûté ce vin.

Que s’est-il passé à Cana ? Jean a accumulé les détails qui manifestent toute une succession de changements bien plus importants que ce changement matériel. Jean accumule des détails qui manifestent des changements dans les relations, dans les rôles de chacun. Nous sommes à un repas de noces ; Marie est invitée…et voici qu’elle se mêle de l’intendance ! Elle en vient même à jouer le rôle du Maître du repas : « Faites tout ce que mon fils vous dira ». Et voici les servants qui vont exécuter un ordre totalement incongru donné par celui qui, après tout, n’était qu’un invité !

Dieu change l'humanité

L’étonnant, ce n’est pas tant que Jésus transforme l’eau en vin. Le miracle, c’est peut-être d’abord que les servants écoutent Jésus alors qu’il leur donne un ordre inconvenant.

Ces jarres, en effet, étaient bien faites pour recevoir l’eau mais elles étaient destinées aux ablutions qui précèdent les repas. Ces jarres étaient en quelque sorte des bassines, des bassines sacrées. Il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des Juifs. Jésus dit aux servants ; « Remplissez d’eau ces jarres… et portez-en au maître du repas. » Et les servants obéissent ! Tout est bouleversé ! Voici maintenant l’intendant, celui qui est chargé du bon ordre du repas, qui appelle le marié pour lui dire : « Tu as gardé le bon vin pour la fin !... » mais ce n’était pas le rôle du marié, le jour de son mariage, de se soucier de la succession des vins ; c’était précisément à l’intendant de le faire.

Tout est bouleversé, toutes les fonctions sociales, toutes les relations sont changées. L’eau changée en vin est le signe de ces bouleversements. Le premier miracle de Jésus réside dans tous ces bouleversements à l’intérieur de l’humanité et pas seulement dans l’eau qui devient du vin. La volonté de Jésus n’est pas de changer spectaculairement de l’eau en vin. Sa volonté, c’est que la joie de la noce ne soit pas affadie, qu’elle puisse couler à profusion comme du bon vin.

Les noces

Jésus, à Cana, a voulu que la joie ne manque pas et le miracle, c’est que sa volonté est contagieuse. Chacun s’y met, se déplace, écoute l’autre quitte à sortir de son rôle établi. Jésus écoute Marie. Les servants écoutent Jésus. La volonté de créer de la joie et de la fête est plus forte que l’incohérence, l’inconvenance que chacun est amené à faire.

Le miracle n’aurait pas eu lieu sans cette volonté commune. Le miracle, c’est qu’une volonté commune surgisse par-delà les rôles fixés et les individus isolés. Le miracle c’est que tous s’unissent pour que les noces ne soient pas gâchées. Le miracle réside dans cette alliance, grâce à Jésus, entre tous. Tous, par Jésus, entrent dans l’alliance. Tous célèbrent l’alliance. Les invités et les servants autant que les mariés célèbrent les noces de Dieu avec l’humanité.

A Cana de Galilée Jésus manifeste qu’à l’intérieur de l’ordre humain établi l’impossible devient possible lorsque les hommes écoutent Jésus, lorsqu’ils acceptent de s’entendre, de s’allier. C’est le premier miracle de Jésus. Les disciples ont cru et la gloire de Dieu s’est manifestée. Croire au miracle, c’est affirmer envers et contre tout – quitte à être traité d’utopique ou de fou – qu’au nom de Jésus les hommes peuvent se rejoindre et s’allier. C’est reconnaître, dans cette alliance, la Gloire de Dieu qui se manifeste comme à Cana en Galilée.

Christine Fontaine