Une croyante écartée du baptême !
L’équipe de catéchuménat de Malakoff a vécu, en 2014, une situation difficile. Six personnes s’étaient engagées, depuis deux ans, à cheminer vers les
trois sacrements de l’initiation, baptême, eucharistie, confirmation. Elles avaient franchi les différentes étapes, aidées par leurs accompagnateurs.
Deux d’entre elles étaient sœurs, elles avaient tenu à faire cette démarche ensemble. L’une était célibataire, l’autre mariée et mère d’une petite fille
qui suivait le catéchisme. Malgré un parcours assidu, un engagement et un enthousiasme qui faisaient l'admiration de toute l’équipe et de la communauté
paroissiale, elles ne seront pas baptisées.
En effet le service diocésain du catéchuménat relevait que la mère de famille était mariée à la mairie mais pas à l’Eglise et que ce fait lui interdisait
de recevoir le baptême, de partager le repas eucharistique, d’être marquée du signe de l’Esprit. La conclusion d’un mariage sacramentel était refusé par
le mari, baptisé dans son enfance, mais ayant pris ses distance par rapport à l’Eglise et qui s’était tenu à l’écart du parcours de sa femme.
Malgré de nombreuses démarches rien n’y a fait. Deux responsables de l’équipe diocésaine du catéchuménat sont venues à Malakoff pour participer à une
réunion de notre équipe en présence du père Pincé, notre curé, et des deux personnes intéressées. Cette réunion fut très pénible, marquée par une apparente
bienveillance qui dissimulait un refus de tout dialogue. Les règles invoquées, leurs raisons, leur sens, n’ont pas même été énoncés. A nos questions sur
notre foi en la grâce du baptême, sur l’eucharistie source de force et d’amour, sur l’Esprit Saint, source de vie, il n’a été opposé que du silence.
Monseigneur Aupetit, notre évêque, n’a pas souhaité recevoir les intéressées malgré la demande qu’elles lui avaient fait parvenir. Tout ceci a débouché
sur une rupture des liens entre ces deux catéchumènes et la communauté paroissiale. On peut comprendre qu’elles aient eu le sentiment d’être exclues de l’Eglise.
L’un des arguments développés par le diocèse est que le baptême n’est pas nécessaire pour être chrétien. L’histoire que nous avons vécue laisse au contraire
penser que le refus de l’Eglise est perçu comme une exclusion par les intéressées. De plus il est demandé dès l’accueil de n’offrir le catéchuménat qu’à ceux
qui sont en situation « régulière ». Aucune communauté paroissiale n’a mis en place un parcours pour annoncer l’Evangile à ceux qui ne respectent pas les
règles strictes de l’Eglise sur la famille. Comment ne pas s’inquiéter que l’Eglise des Hauts de Seine en excluant des sacrements de l’initiation, les divorcés
remariés, les divorcés, ceux qui sont mariés à la mairie mais pas à l’Eglise, les pacsés, ceux qui vivent en couple homosexuel, ceux qui vivent en union libre,
renonce à évangéliser 80 à 90 % de la population.
Et pourtant on peut lire dans « Evangelii Gaudium » (49) : « Sortons, Sortons, pour offrir à tous la vie de Jésus Christ. » Comment
comprendre les contradictions dans lesquelles l’Eglise s’est mise ?
Une épreuve pour ma foi
Depuis un an je n’arrive pas à surmonter cette difficulté. J’ai, petit à petit, pris conscience de ma situation personnelle et de son côté problématique
voire contradictoire avec mon engagement dans l’Eglise.
Je suis marié depuis 39 ans avec Claude. Après avoir vécu ensemble 18 mois nous avons éprouvé le besoin de nous inscrire dans la durée d’une alliance, qui
nous semblait nécessaire notamment pour partager un très puissant désir d’enfant. Vis-à-vis de l’Eglise, nous avions des positions assez différentes et il
nous semblait essentiel de nous respecter dans nos singularités. Autour de nous des gens que nous admirions vivaient des remises en cause radicales. Ces
circonstances nous faisaient prendre conscience de nos fragilités et il nous semblait impossible de nous engager définitivement. Nous n’avons jamais été contre
le mariage chrétien mais cela ne nous semblait pas accessible. A cette époque il y avait tellement de mariages à l’Eglise pour de pures raisons de convenance
sociale, qu’il nous semblait juste d’essayer d’être vrai et de coller à ce que nous nous sentions capables de faire. Nous nous sommes donc mariés à la mairie
et le lendemain nous avons organisé un pique nique dans la nature avec nos amis et nos familles. La journée a comporté un moment de recueillement au cours d’une
Eucharistie partagée avec une grande ferveur.
Nous avons tracé notre vie ainsi, eu deux enfants qui ont été pour nous une joie incomparable. Nous avons eu avec l’Eglise des relations variables selon nos
cheminements et les rencontres qu'il nous a été donné de faire. Claude a été salariée de l’Eglise comme responsable d’aumônerie. J’ai fait partie de plusieurs EAP (Equipe d'Animation
Pastorale) et équipes de catéchuménat… Jamais les pasteurs qui étaient informés de notre situation « irrégulière » ne nous ont posé la question de l’accès
à l’Eucharistie.
A l’occasion des incidents de l’année dernière, j’ai pris conscience que ma situation était strictement identique à celle de cette catéchumène à qui on refusait
le baptême. Pour les mêmes raisons, Charles Péguy était tenu à l’écart des sacrements. Lors d’un échange une jeune femme très active dans la paroisse m’a dit,
sans aucune méchanceté ni hostilité : « Mais c’est normal en la baptisant on la mettrait dans une situation de péché mortel. » L’Eglise considère en effet que
constitue un péché grave toute relation sexuelle hors mariage sacramentel.
Pendant toute ma vie professionnelle j’ai accompagné des gens dans des conflits familiaux. J’ai aimé ces gens. J’ai aimé les écouter. J’ai aimé chercher avec
eux. J’ai aimé les mises en récits que nous avons faits ensemble. Comment ne pas me sentir proche de ces hommes et de ces femmes qui sont exclus de l’Eglise ?
Comment jouer au bon chrétien que je ne suis, de toute façon, pas ?
Un juridisme étouffant
Je comprends que l’Eglise s’est enfermée dans un juridisme étouffant. Je connais les logiques qui enchainent la règle posée et la sanction des infractions
constatées. Je sais la difficulté de concevoir un droit et ses cohérences. Je comprends la nécessité de partager une ambition nous permettant de vivre
ensemble. Mais le discours d’autorité ne peut pas justifier l’exclusion, la discrimination, l’indifférence.
Le Pape François nous rappelle que « Jésus n’a jamais demandé aux gens s’ils vivaient selon la loi. Il les rejoignait dans leur situation réelle et leur
désir de vie et de salut ». Evangelii Gaudium
Le document du Synode sur la famille dit : « La Grâce de Dieu opère aussi dans la vie des personnes ayant d’autres formes d’union que le mariage. »
Je désire une Eglise ouverte sur le monde, annonçant l’Evangile à tous. De l’intérieur de l’Eglise où je suis, je dois chercher comment être fraternel
et solidaire avec ceux qui sont à l’extérieur. Pour rester proche des exclus de l’Eglise je dois, me semble-t-il, m’appliquer les règles que l’institution
ecclésiale impose aux personnes qui sont dans ma situation, c’est à dire me tenir à l’écart de la communion et cesser tout accompagnement catéchuménal.
Je ne le fais pas de gaité de cœur. Rester dans cette privation peut être douloureux mais, faute de comprendre, n’est ce pas cela qu’il faut partager ?
Jean-Luc Rivoire
Pastels de Noëlle Herrenschmidt