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Des catholiques sont en deuil
Nicodème

Il n’est pas un jour sans une nouvelle révélation sur les abus et les crimes commis au sein de l’Église catholique. Les abus spirituels sont à la racine des abus sexuels, plus cachés mais bien plus répandus que ces derniers. Ils pervertissent la foi chrétienne. La hiérarchie catholique est incapable, dans son fonctionnement global, de penser une différence entre clercs et laïcs autrement qu’en terme de supériorité. L'abus de pouvoir - au nom de Dieu - qui pèse sur la liberté de chacun est un viol.

Les articles signés "Nicodème" n'ont pas fait l'objet d'un travail de toute l'équipe animatrice. Ils sont écrits par plusieurs de ses membres qui se sont concertés sur le sujet. Le prénom "Nicodème" vient du grec "nikê" qui signifie victoire et "dèmos" qui signifie peuple ; on peut le traduire par "Victoire du peuple".

(2) Commentaires et débats

Il n’est pas un jour sans une nouvelle révélation sur les abus et les crimes commis au sein de l’Église catholique. À l’affaire de Mgr Santier succède celle du cardinal Ricard et, quand on croit être au fond du trou, voici qu’un curé breton viole un jeune de 15 ans après l’avoir drogué et sans même avoir un rapport sexuel protégé alors qu’il se sait porteur du VIH. À tous les niveaux de la hiérarchie, des scandales sont divulgués tous les jours. Des fidèles et des prêtres – même parmi ceux qui ne se faisaient plus d’illusions – sont foudroyés par ces révélations incessantes. Ils sont en deuil de l’Église qu’ils croyaient servir. L’heure du deuil est davantage celle du silence que celle de la proclamation. Nous voudrions d’abord faire entendre ce silence des croyants – prêtres ou laïcs – qui répond à celui de Jésus en croix. Mais faire entendre le silence suppose que certains s’expriment. Aussi, tenterons-nous quand même de parler là où pourtant il n’y aurait plus rien à dire.

« Ni l’ordination ni les honneurs ne préservent de commettre des fautes » déclare Mgr de Moulins-Beaufort dans le discours de clôture de l’assemblée des évêques de France à Lourdes. Mais l’ordination peut être pervertie – au nom de Dieu ! – quand on la considère comme une supériorité des clercs sur les simples fidèles. Quant aux honneurs, les évoquer en parlant de prêtres ou d’évêques manifeste à quel point ces derniers n’envisagent pas un seul instant leur fonction comme une suite du Christ Pauvre ! Pourtant ils se disent les successeurs des apôtres dont Saint Paul est un représentant. Ce dernier écrivait aux Corinthiens : « Frères… parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. Et c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. » Le contraste est saisissant. Il ébranle les croyants dans leur foi la plus profonde au Dieu de Jésus-Christ.

Les abus spirituels pervertissent la foi chrétienne. Ils sont à la racine des abus sexuels, plus cachés mais bien plus répandus que ces derniers. La hiérarchie catholique est incapable, dans son fonctionnement global, de penser une différence autrement qu’en terme de supériorité. Les prêtres dans cette conception sont les médiateurs entre Dieu et les fidèles. Ils sont les maîtres de leur conscience. Or cette maîtrise sacralisée a toujours à voir avec la sexualité. L'abus de pouvoir - au nom de Dieu - qui pèse sur la liberté de chacun est un viol. La sexualité - et sa perversion - dépassent largement les seuls rapports sexuels. Que, dans ce système, des prêtres soient brisés, c'est un fait. Mais la question est de savoir pourquoi ils sont brisés. Parce qu'on les pousse à être des pères alors qu'ils voudraient être des frères ou parce qu'on ne les considère pas assez comme des pères ?

Quand nous avons programmé les articles du mois de novembre 2022, nous ignorions tout des derniers scandales. Il se trouve que Patricia Blanco – qui est sortie de la communauté des sœurs de Bethléem – est demeurée profondément croyante et elle refuse toute pratique religieuse (bethleemdhieraaujourdhui.html). Phlippe Simon-Côte, de son côté, a décidé de ne plus fréquenter sa paroisse rurale à cause de la manière dont y sont "accueillis" les migrants (evangileetranger.html). Nous souhaitons que leurs témoignages éclairent ceux qui partent comme ceux qui souhaitent malgré tout réformer l’Église de l’intérieur. Que signifie « quitter », que signifie « rester » ? Beaucoup partent parce qu’ils sont croyants alors que d’autres restent pour les mêmes raisons. Une autre manière de vivre en Église – au nom de la même foi – n’émerge-t-elle pas dès maintenant ? Nous espérons contre toute espérance (Rm 4,18) que cette fraternité qui dépasse les frontières – celle des clercs et des laïcs, comme celle des pratiquants et des non-pratiquants - traverse la mort et le deuil d’aujourd’hui !

Nicodème, le 15 novembre 2022
Peinture de Soeur Marie-Boniface