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2ème dimanche du temps ordinaire


Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean
Jn 1, 29-34

Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ; c'est de lui que j'ai dit : Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. Je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il soit manifesté au peuple d'Israël. » Alors Jean rendit ce témoignage : « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : 'L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint.' Oui, j'ai vu, et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu. »

Connaître Dieu
Christine Fontaine

Le loup et l’agneau
Michel Jondot

Dieu tient parole
Christine Fontaine


Connaître Dieu

« Je ne le connaissais pas »

« Voyant Jésus venir vers lui » Jean – dans cet Évangile – déclare par deux fois : « Moi je ne le connaissais pas. » Pourtant, dès avant sa naissance, il l’avait déjà reconnu : lorsque Marie, le jour de la visitation, rencontra Élisabeth l’enfant tressaillit d’allégresse en son sein. En outre, Jean et Jésus sont de la même famille et ils ont pratiquement le même âge ; est-il possible qu’il ne se soient jamais rencontrés avant ce jour au bord du Jourdain ? Pourtant Jean le dit : il ne connaissait pas Jésus ! Il connaissait sûrement le fils de Marie et de Joseph mais il n’avait pas reconnu en lui « l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » Celui qu’il avait reconnu avant de naître, ne s’était probablement pas manifesté comme quelqu’un d’exceptionnel durant les 30 années qui suivirent leurs naissances. Mais aujourd’hui, c’est fait. Il sait qui est Jésus. Une voix intérieure lui a donné un signe incontestable : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit-Saint. » Et Jean ajoute : « Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »

Jean a consacré toute sa vie à préparer la venue de celui qu’il ne connaissait pas. On peut pressentir la joie qui fut la sienne de pouvoir enfin découvrir qu’il n’avait pas travaillé en vain. Joie du travail bien accompli ! Joie de celui qui peut enfin passer la main après tant de déserts traversés, tant d’épreuves endurées ! Plénitude de joie… sauf que cette plénitude ne dure pas ! Peu de temps après, Jean est arrêté par Hérode et se retrouve en prison. Et Jean envoie ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Jean une fois encore ne sait plus. Il s’interroge et il ose envoyer ses disciples interroger Jésus.

Avant sa naissance, Jean reconnaissait déjà Jésus. Il ne le reconnaît plus après. Il le reconnaît à nouveau au Jourdain quand il voit s’accomplir ce qui lui avait été révélé mystérieusement. Il n’est plus sûr de lui lorsqu’il est en prison. Nous pourrions penser que ce précurseur n’est pas très fiable puisque lui-même n’a pas de certitude inébranlable. Pourtant c’est peut-être ce passage de la reconnaissance au questionnement qui fait de Jean est témoin fidèle.

Un questionnement

Un autre Jean, saint lui aussi, au XVIème siècle – Jean de la Croix- s’étonnaient du nombre de catholiques qui prenaient leurs propres certitudes intérieures pour une révélation de Dieu. Ils pensaient reconnaître Dieu dans telle parole ou tel sentiment de plénitude intérieure. Certains prétendaient avoir reçu des révélations particulières. Mais, aux dires de Jean de la Croix, ils ne faisaient que projeter en Dieu leur propre volonté ou leur désir de passer pour un grand spirituel ou un prophète. Il est très facile de faire dire à Dieu ce qu’on veut ! Il est bien plus difficile d’apprendre à discerner ce qui est véritablement de Dieu et ce qui est la projection de nous-mêmes en Dieu !

Nous prenons souvent pour un doute un simple questionnement. Jean Baptiste n’hésite pas à questionner. Il s’interroge alors que des signes intérieurs très forts lui ont été donnés. Le questionnement de Jean est le signe d’une véritable recherche de Dieu. Newman disait que dix mille questions ne font pas un doute. Nous pouvons avoir confiance en quelqu’un pour nous mener à Dieu lorsque cette personne ne nous impose pas sa connaissance de Dieu ou de ce qu’Il veut comme une certitude inébranlable qui ne supporterait aucune question. Une personne est un guide sûr quand la connaissance qu’elle a de Dieu laisse place à un questionnement, à une ouverture. Méfions-nous aussi de nous-mêmes : il est toujours facile de prendre une certitude ou une lumière intérieure pour la vérité ou pour une révélation de Dieu. Si l’expérience intérieure est vraiment de Dieu, elle devra passer par l’épreuve du questionnement, par une traversée de la nuit.

Co-naître Dieu

« Moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : « Celui sur qui tu verras l’esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit-Saint. » Connaître Dieu n’est jamais seulement une connaissance ou une révélation intérieures. C’est une plongée dans l’Esprit. Vaines sont toutes les révélations si l’Esprit ne s’incarne pas dans nos vies. La connaissance de Dieu est une naissance à sa vie, une immersion. Nous ne pouvons connaître Dieu qu’en épousant son combat contre toutes les forces de mort, en souffrant de ce qui l’a fait souffrir, en nous réjouissant de ce qui a fait sa joie. Nous ne pouvons connaître Dieu qu’en devenant semblable à lui !

« Ce jour-là, écrit Saint Jean l'évangéliste, nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3, 2). Jean parle d’un jour sans fin, d’un jour par-delà la mort. Sur cette terre nous ne pouvons pas connaître Dieu pleinement puisque nous ne pouvons pas être totalement semblables à lui. Nous sommes étrangement limités. Nous ne sommes pas capables d’un amour sans limite. Nous ne pouvons que pressentir de loin de quoi il s’agit. Mais nous pouvons dès maintenant nous laisser saisir par l’Esprit. Nous pouvons commencer à connaître Dieu, tendre à aimer comme lui ! Nous pouvons travailler avec tous ceux, croyants ou non, qui désirent construire une société fraternelle. On nous dit souvent que notre monde occidental n’est plus porteur de projet mobilisateur. Les chrétiens ont pour projet de connaître Dieu c’est-à-dire d’incarner son Esprit dans le monde. Ils ont bien du travail à faire ! Comment pourraient-ils épouser la morosité ambiante ?

Christine Fontaine


Le loup et l'agneau

« L’homme est un loup pour l’homme ? »

Ce texte est l’antithèse de la philosophie d’un Anglais du 17ème siècle. La pensée de Hobbes n’est pas connue de tous dans le détail mais chacun connaît la formule qui résume sa position : « L’homme est un loup pour l’homme » ! Si nous restions livrés à la nature humaine sans que la raison et l’Etat n’organisent la vie en société, chacun se laisserait emporter par la volonté d’être le plus fort, de dépasser tous les autres quitte à les dévorer.

Une situation inverse se passe dans l’Evangile de Jean, lorsque Jésus entre en scène. Deux hommes en viennent à se rencontrer : Jean, auprès du Jourdain, voit Jésus pour la première fois, semble-t-il (« Je ne le connaissais pas »). Son réflexe est celui que nous avons spontanément lorsqu’entre personnes bien élevées on se croise devant une porte. Chacun s’écarte devant l’autre : « Passez, je vous prie ». Même si le geste est conventionnel, voire hypocrite, il révèle une certaine conception de la vie commune. « Autrui est toujours mon maître », dit un sage de notre temps ; à lui la première place même s’il arrive derrière moi près de la porte où nous nous trouvons. Ce réflexe est celui de Jean-Baptiste : « Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi... ».

Dans la douceur de l’Esprit

On est dans la vérité lorsqu’on laisse autrui passer devant soi ; ce geste permet de trouver sa propre place. C’est en tout cas ce qui se passe pour Jean. Le prédicateur qui rassemble les foules et les plonge dans l’eau a bien raison de s’effacer devant celui qui vient. Il sait pourquoi il baptise : « Si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël ». Jean-Baptiste réunissait les gens pour qu’ils prennent conscience de la méchanceté qui habite plus ou moins chacun. Tentés de se dévorer, il les plongeait dans l’eau pour que, conscients de leurs péchés, ils fassent corps dans leur pauvreté. Loin de se méfier comme d’un loup de l’inconnu qui vient, il découvre l’agneau, le sacrifice offert en rémission des péchés. Jésus fait corps avec tous et Jean peut dire : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».

Cette scène ne se réduit pas à la rencontre dont tout homme civilisé fait l’expérience. La scène a été précédée par un envoi : « Celui qui m’a envoyé m’a dit... ». Jean-Baptiste avait connaissance de cette scène de la Bible où Elie, prévenu du passage de Dieu, avait découvert que celui-ci était un souffle léger. Jean reconnaît que Jésus baigne dans ce souffle pacifiant qu’on traduit par Esprit. Il perçoit que ce souffle vient d’en-haut, descend sur lui comme le vol léger d’une colombe. Pour lui, aucun doute n’est permis : « J’ai vu et je rends ce témoignage : c’est lui le Fils de Dieu ».

Autour du Baptiste, les foules faisaient corps, plongées dans les eaux. Avec la venue de Jésus, les voilà continuant à faire corps, plongées dans l’Esprit, dans le souffle de douceur dont Elie avait fait l’expérience. Ces hommes et ces femmes nous ressemblent : chacun avait sa part d’ombre et sa soif de réconciliation. Leur part d’ombre n’a pas disparu mais les ténèbres ne sont plus ténèbres : avec Jésus, l’Agneau de Dieu, ils sont fils de lumière. Rencontrant un autre que Jean, ils trouvent le tout-Autre, le Père, dont avec Jésus, dans le souffle de Jésus, ils sont les fils.

Plonger dans la paix du Christ

« L’homme est un loup pour l’homme » : l’humanité, tant bien que mal s’efforce de mettre en place les institutions pour écarter les menaces et permettre à chacun de trouver sa place. Chassez le naturel, il revient au galop. Nous allons entrer dans une période électorale ; qui peut espérer que les concurrents qui vont s’affronter sauront trouver l’attitude qui consiste à considérer l’autre comme un maître, quel que soit le résultat des élections. Lors des émissions télévisées ou lors des débats publics, pourquoi ces propos et ces visages haineux à l’égard de l’adversaire qu’ils regardent comme une proie à dévorer. Que penser de ce système libéral qui ne connaît guère d’autres lois que celles du marché, quitte à écraser les plus faibles, accroître les inégalités entre les personnes et les peuples, dépouiller ces derniers, quand on le peut, des ressources naturelles dont ils disposent ? Que de violence ! En termes évangéliques : « que de péché » !

Certes, nous ne sommes pas démunis de moyens, dans nos pays démocratiques, pour diagnostiquer le mal, l’analyser et proposer des remèdes. Il faut se réjouir de voir des chrétiens s’engager dans ce combat. Cela ne suffit pas. Un texte comme celui de ce dimanche incite chaque baptisé à se tourner du côté où souffle l’Esprit, le souffle apaisant descendu sur Jésus sur les bords du Jourdain. Dans la vie en société, à commencer par la famille, chacun sait bien repérer la part d’ombre qui l’habite. Mais chacun sait aussi qu’il est invité à se plonger dans la paix du Christ. Et s’il nous arrive de hurler avec les loups, rappelons-nous les paroles du Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». A chaque eucharistie l’Eglise nous rappelle ce message au moment de la communion. Recevons-le avec confiance : il relève notre espérance.

Michel Jondot


Dieu tient parole

Une parole

Il lui avait dit : « Sur un mur de la ville, je dessinerai un grand soleil. Je le dessinerai pour toi, tu le trouveras sur ton passage et il te dira ce que je ne sais te dire. Il te dira ce dont mon coeur déborde. Ecoute le soleil! Ecoute-le te dire...!»

Depuis qu'il lui avait fait cette promesse, elle guettait le signe. En marchant dans les rues de la ville, elle ne voyait plus que les murs : elle cherchait le soleil sur son mur.

D'autres avant elle étaient passés devant ce soleil. Les uns n'y avaient pas prêté attention : leur esprit était ailleurs.
D'autres avaient crié au vandalisme, excédés par ces peintures qui envahissent la grisaille des villes.
D'autres encore avaient apprécié l'oeuvre : ils avaient reconnu la lumière qui sortait du soleil, ils en avaient été éclairés comme par un sourire.

Mais pour elle, c'est tout autre chose.
Depuis qu'il lui a fait cette promesse, elle guette le signe, elle en a le coeur plein.
Et voici qu'au moment où elle ne s'y attend pas, elle découvre son soleil sur le mur de la ville.
Son cSur déborde de reconnaissance. Elle explose de joie.
Elle écoute le soleil ! Elle l'écoute lui dire l'indicible ! Et elle l'entend lui dire :
« Sur un mur de la ville, je dessinerai un grand soleil. Je le dessinerai pour toi... écoute le soleil! »

Un signe

Il lui avait dit :
« L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer ; c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint.»
Comment Jean n'aurait-il pas guetté, dans la foule, celui dont il annonçait la venue ? Il attendait le signe qui lui permettrait de le reconnaître parmi tous les hommes, le visage du Messie. Son coeur en est plein : il cherche celui dont la venue éclairera l'humanité entière.

Et voici qu'au moment où il ne s'y attendait pas, Jean discerne le signe promis : « J'ai vu l'Esprit descendre sur lui comme une colombe et y demeurer ! » Son coeur déborde de reconnaissance. Jean témoigne de ce qu'il a vu. Il témoigne que cet homme, semblable à tous les autres, est bien le Messie attendu.

Le jour où l'Esprit descendit, Jean n'était pas seul.
Mais lui seul a reconnu, en cette colombe, le signe de l'Esprit.
Lui seul a reconnu en cet homme, la lumière du monde.
D'autres pourtant passaient par là ; d'autres étaient baptisés ce jour-là. La colombe était visible pour tous.
Mais les uns n'y ont pas prêté attention : leur esprit était ailleurs.
D'autres ont dû trouver ce phénomène étrange ; d'autres encore peut-être, s'en sont émus.
Mais pour Jean, c'était tout autre chose !

Depuis qu'Il lui avait fait cette promesses, il guettait le signe.
Voici que la promesses est accomplie : Jean, grâce à ce signe, voit l'invisible : il voit l'Esprit de Dieu descendre et demeurer sur cet homme. Lui seul pouvait reconnaître le messie parce qu'à lui seul avait été dit : « L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint. »

Le Verbe

« Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi. Car avant moi il était.»
Jean n'aurait pas pu déceler le signe de l'Esprit si une Parole n'avait précédé la venue du Messie. Il fallait que le Verbe de Dieu précède sa venue pour qu'au moment où Jésus se présente Jean puisse le reconnaître.

Avant Jean, le Verbe était.
Il était avant, celui dont Jean annonçait la venue : c'est ainsi que Jean a pu reconnaître l'accomplissement de la Promesse.

Un jour, le jeudi saint, Jésus dira à ses apôtres :
« Je vous dis cela, avant que toutes ces choses n'arrivent pour que le jour où elles arriveront, vous croyiez. »
La Parole de Dieu précède ce qui va arriver.
La parole de Dieu est Lumière : elle donne un éclairage nouveau à ce qui arrive; elle permet de reconnaître Dieu dans l'obscurité du monde.
Lorsque, dans ce qui nous arrive, nous reconnaissons ce dont Jésus a parlé dans l'Evangile, notre coeur déborde de reconnaissance : nous voyons l'invisible ; nous voyons que Dieu est au milieu de nous.
Mais seul celui qui se laisse habiter par le Verbe, par la parole de Dieu - l'Evangile - peut discerner le lieu où s'accomplit la promesse.
Seul celui qui est « baptisé dans l'Esprit » peut établir une relation entre la Parole de Dieu et la venue de Dieu parmi les hommes.
Seul celui-là peut reconnaître Dieu.

Pour celui qui se laisse imprégner par l'Evangile, baptiser dans l'Esprit, tout devient signe de Dieu : sur les murs de la ville il discerne le soleil de Dieu.
La grisaille des jours, la nuit elle-même, sont lumière pour lui.

Christine Fontaine