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La ville et le poète
Poème d'Abbas Fahdel et illustrations d'Alberto Burri
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Abbas Fahdel est un réalisateur, scénariste franco-irakien, né à Hilla, en Irak. Installé dans le Sud Liban, en 2024 il doit abandonner sa maison et son village bombardés par Israël. A son retour, il écrit ce poème en mémoire de ce lieu et de tant d’autres ravagés par les guerres et qu’il a connus. Alberto Burri (1915-1995) est un artiste plasticien italien, peintre, graveur et sculpteur.
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Qu'on ne s'y trompe pas :
la mort ici ne se fane pas.
Elle verdit, s’étend,
prête à jaillir comme un printemps précoce.
Face au tumulte des pierres enchevêtrées,
le poète recule, tremblant, muet.
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Il cherche, désespéré,
un brin d’herbe émergeant des fissures,
un livre, une photo, recouverts de poussière,
des fragments de souvenirs sauvés du néant.
Il se demande si un ver peut refermer une plaie béante,
si une rime peut apaiser une blessure encore saignante,
si la poésie peut ramener à la lumière ce qui fut
et qui n’est plus qu’un tas de gravats.
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Et pourtant, le poète le sait :
il y avait, en ce lieu d’effondrement,
des rires d’enfants,
des promesses murmurées,
des vies désormais éclipsées, dispersées.
Peut-on les réinventer, ces vies ?
Existe-t-il une machine à mémoire
capable de raviver ces ombres, ces souffles égarés ?
Debout face aux ruines,
le poète fouille, sans vraiment voir,
cherchant un éclat de lumière,
un écho d’autrefois,
un signe que tout cela était réel.
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Et pourtant, sous les amas de ruines,
les échos grondent encore, sourds et persistants,
comme un chant de pierre étouffé dans le silence.
Peut-être qu’un souffle de vie s’égarera
dans ces cratères lunaires, dans ces failles béantes.
Mais quelle rime pourrait naître
au cœur de cette désolation ?
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La ville meurtrie n’attend rien des mots du poète.
Elle réclame le silence, la seule langue
capable d’exprimer l’absence,
ce vide immense et oppressant.
La ville qui, hier encore, débordait d’élan,
vibrait de rêves et vivait d’excès,
demeure aujourd’hui là, silencieuse, patiente,
une terre d’attente où tout doit recommencer.
Abbas Fahdel
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