Le Corrège, Assomption de la Vierge, fresque, 1526-1530
Cathédrale Santa Maria Assunta, Parme.
Le Corrège (1489-1534), de son vrai nom Antonio Allegri da Corregio, est parmi les peintres de la Renaissance célèbre entre tous pour la délicatesse de ses coloris et la douceur de ses personnages, de leurs visages notamment. Stendhal l’appréciait au plus haut point, écrivant que par sa peinture « on se sent transporté au delà de tout séjour terrestre, dans un ciel deviné par la belle imagination du Corrège. ». Le Corrège vit à Parme de 1520 à sa mort, réalisant notamment les fresques de l’église Saint-Jean puis les fresques de la coupole de la cathédrale, sur le thème de l’Assomption.
Quand on pénètre dans la cathédrale Santa Maria Assunta de Parme, on est d’abord pris dans l’immense espace de cette nef romane puis comme aspiré, au centre de la croix latine que dessine le plan de l’édifice, par le volume et la lumière de la coupole qui culmine à près de 29 mètres de haut. C’est là que l’on découvre la peinture à fresque de l’Assomption, peinte il y a environ 5 siècles par Le Corrège, qui dépeint avec éclat et magnificence, ne serait-ce que par son ampleur et le nombre de personnages et de nuages, la montée de la Vierge au ciel et son accueil par Jésus.
Mais il faut bien reconnaître qu’on comprend aussi mal la réalité exacte de ce qui est représenté dans ce fouillis qu’on ne peut, rationnellement, comprendre le mystère de l’Assomption. Que voit-on au juste ? Une foule de femmes et d’hommes, de nuages et d’anges, une multitude de personnages qui attestent immédiatement que le ciel chrétien est largement peuplé. Tel est le premier effet plastique de cette composition majestueuse. Nous arracher à ce monde d’ici-bas et nous entraîner vers un ciel imaginaire, qui est avant tout le lieu d’une harmonie colorée avec une foule de personnages. Le ciel chrétien que donne à voir Le Corrège n’est pas le lieu du vide ou du silence infini mais un univers harmonieux de couleurs et de formes qui se répondent et ravissent notre regard. La cathédrale devient ainsi comme une machine à nous transporter dans un lieu et un temps différents, que domine la figure du Christ, bien identifiable, elle, et clairement détachée des autres.
Car c’est Jésus que l’on reconnaît sans conteste au centre de la composition et qui descend du haut du ciel pour venir chercher sa mère, Marie, que l’on distingue plus ou moins bien. L’attitude précise du Christ n’est pas aisée à comprendre, mais on voit clairement son mouvement et sans doute nous prendra-t-il un jour, nous-mêmes aussi, nous qui sommes encore attachés au sol terrestre mais déjà proches en image, par le cœur ou l’âme, de cette foule de figures célestes. Et peut-être sommes nous, plus précisément, les frères de ces apôtres qu’on distingue aisément au bas de la coupole, devant la balustrade, qui regardent la scène avec étonnement.
J’ai longtemps cru qu’il fallait des jumelles, et un regard acéré et savant, pour ordonner et analyser cette composition immense qui nous domine puissamment. Mais le moyen le plus sûr d’apprécier ce chef d’œuvre est, je crois, de simplement s’asseoir, de regarder, de se laisser aspirer par cette foule humaine, cette foule divine. La fresque atteste dans la plénitude de son harmonie colorée de la foi d’une époque, d’un groupe d’hommes et de femmes qui surent donner corps, chair, couleurs, lignes, émotions à l’expérience de l’Assomption. Une créature humaine, Marie, est montée au ciel, a été appelée à la vie divine, par la médiation du Christ.
La peinture du Corrège nous fait vivre ce ravissement, nous transporte. Cinq siècles plus tard, nous modernes, nous qui « ne pouvons croire qu’en interprétant » voire en doutant, selon la formule de Paul Ricoeur, nous nous trouvons pris dans ce mouvement qui anticipe, peut-être, notre avenir. Peut-être serons-nous incorporés à cette foule céleste, à tutoyer les anges et les nuées.
Paul-Louis Rinuy