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Disparition de Bruno Latour
Jean-Luc Rivoire

Bruno Latour, né en 1947, est mort le 9 octobre 2022. « Pour moi, écrivait-il, il est temps de se débarrasser de la question de la croyance et d’en poser une autre : c’est quoi l’incarnation ? Où est-ce que vous vous incarnez et avec qui ? Là-dessus le christianisme a des choses à dire. » Dieu maintenant a déjà, à plusieurs reprises, évoqué sa pensée. Nous reproduisons ici des extraits d’un article du journal « La Croix » qui lui rend hommage (1).

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Pour cet esprit profondément contemporain, il était insensé de continuer à être « des humains à l’ancienne, c’est-à-dire moderne, c’est toujours une hapax littéraire, un cogito de théâtre, on le sait depuis Descartes. Et donc chaque fois qu’un individu qui se présente comme tel et revendique un droit de propriété exclusive sur quelque bien, cela devrait nous faire rire ». Il critiquait le comportement des « excavateurs », ces individus prédateurs du vivant, qu’il opposait aux « terrestres », conscient de leur lien de solidarité avec Gaïa. Il appelait de ses vœux la construction d’une nouvelle « classe écologique », capable de redessiner la carte des conflits politiques. Retour à l’essentiel.

Dernièrement, l’expérience du confinement lui était apparue comme un moment de confirmation de la nécessaire bifurcation de nos sociétés. Avec la crise sanitaire, l’économie, « prise jusqu’ici pour le soubassement indiscutable de l’existence était remontée vers le haut, à la manière d’une poutre de bois, sans coup férir, la célébrissime infrastructure de la vie moderne est apparue superficielle » constatait-il dans Où suis-je ? leçon de confinement à l’égard des terrestres.

Inspiré par la foi chrétienne, Bruno Latour, voyait dans l’incarnation une autre raison de regarder vers « l’ici-bas ». Pour cela il critiquait fermement la tentation spiritualiste qui s’était, selon lui, emparé du catholicisme depuis le dix-septième siècle dans sa tentative de réponse à l’athéisme. Il voyait dans cette évasion des chrétiens hors du monde un contresens à l’égard de l’Évangile. « Quel sens, les croyants pourraient-ils donner à l’incarnation d’un Dieu Homme, s’il fallait s’échapper hors du monde ? » avertissait-il. Il avait reçu l’encyclique du pape François Laudate si comme une excellente nouvelle, considérant ce texte comme le lien essentiel de la reprise de la prédication catholique.

Sans se prétendre théologien, le philosophe invitait la foi chrétienne à une intime métamorphose. La transcendance est devenue mensongère, pour ne pas dire diabolique et c’est l’immanence, méprisée par des siècles de spiritualité qui devient désirable, morale et civique, confiait-il encore. « Pour moi il est temps de se débarrasser de la question de la croyance et d’en poser une autre : c’est quoi l’incarnation ? Où est-ce que vous vous incarnez et avec qui ? Là-dessus le christianisme a des choses à dire. »

Dieu maintenant a déjà, à deux reprises, évoqué la pensée de Bruno Latour :
- Le 20 mai 2020 sous le titre « les nouveaux cahiers de doléance à l’occasion de la lecture de son livre « Où atterrir ? Comment s’orienter en politique » :
Nouveaux cahiers de doléance
- Le 25 février 2022 à l’occasion de la lecture de son livre « Memo sur la nouvelle classe écologique » :Petit livre pour réfléchir la crise du politique

Nous vous signalons notamment :
« Jubiler ou les tourments de la parole religieuse »
« Nous n’avons jamais été moderne »
« Face à Gaïa »
Enfin pour ceux qui voudraient un contact plus facile et plus incarné avec cette œuvre si nécessaire à l’époque que nous vivons : « Bruno Latour l’ultime entretien » réalisé tout récemment par Arte.


Jean-Luc Rivoire, novembre 2022

1- La Croix du 9 octobre 2022 par Elodie Maurot / Retour au texte