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Martin Luther
par Matthieu Arnold

7- L'affaire des indulgences et ses développements

Textes :
Les Quatre-vingt-quinze Thèses
Sermon sur les indulgences et la grâce


8- Les sermons de 1518-1519

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Thèses de Luther placardées
à la porte de l’église du château de Wittenberg

7- L'affaire des indulgences et ses développements

C’est généralement le 31 octobre 1517 que l’on situe la naissance du protestantisme : que Luther ait affiché ou non ses Quatre-vingt quinze thèses « au sujet de la vertu des indulgences » à la porte de l’église du château de Wittenberg, c’est bien ce jour là qu’il adresse à l’évêque de Brandebourg Jérôme Schultze et à l’archevêque de Mayence, Albert de Brandebourg ces propositions théologiques, accompagnées à chaque fois par une lettre dans laquelle il explique son geste : critiquer l’égoïsme spirituel de ses contemporains et la fausse sécurité promise par les prédicateurs d’indulgences, dont le message pourrait porter préjudice au pape lui-même.

Dès la fin de novembre, Albert de Brandebourg saisit Rome de l’affaire. De son côté, Tetzel fait rédiger des contre thèses par Konrad Koch (Wimpina), qu’il défend lors d’une dispute universitaire à Francfort, le 20 janvier 1518. Luther les recevra le 21 mars. Le 3 février 1518, le pape Léon X charge le supérieur général de l’ordre des Augustins de ramener le trublion à la raison.

Mais l’impact des thèses est considérable : réimprimées à la fin de 1517 aux différents coins de l’Empire (Bâle, Nuremberg, Leipzig), elles sont lues avec avidité par les humanistes : Willibald Pirckheimer, Albert Dürer, mais aussi Erasme, qui, le 5 mars 1518, les adresse à Thomas More, le célèbre auteur de L’Utopie.

Entre 1518 et 1520, on assiste à la fois à plusieurs tentatives d’amener Luther à révoquer sans heurts et à une série de ruptures et de combat de plume qui durcissent les fronts : ainsi, en mai 1518, Tetzel publie une « réfutation » du Sermon sur les indulgences… A l’été 1518, la rupture avec Jean Eck est consommée. Cajétan rencontre Luther le 12 octobre 1518, mais l’entrevue est un dialogue de sourds : le légat pontifical se borne à demander à Luther de se rétracter ; ce dernier affirme ne pas s’être écarté de l’Ecriture et des Pères, et défie son interlocuteur de prouver qu’il erre.

Très rapidement, les adversaires de Luther déplacent le débat, qui portait à l’origine sur une question pastorale annexe, les indulgences, vers celle de l’autorité dans l’Eglise, et partant, du pape (puisque c’est ce dernier, qui, depuis la bulle Unigenitus de 1343, peut disposer du « trésor de l’Eglise » (les mérites du Christ et des saints) pour remettre les peines temporelles : en juin, Priérias, publie un Dialogue au sujet de l’autorité du pape. En juin 1518, Augustin von Alveldt édite un traité Au sujet du siège apostolique.


Léon X et Martin Luther

Le procès de Luther est instruit à partir de mai-juin 1518 seulement. Le 23 août, un bref papal charge Cajétan de se saisir de Luther comme d’un hérétique s’il ne consent pas à se rétracter.

Luther de son côté, tente de clarifier ses positions. Il est désormais établi qu’il n’a pas voulu rompre de prime abord avec l’Eglise catholique de son temps ; en témoigne, par exemple, sa demande, en janvier 1520, du maintien de l’unité dans l’Eglise romaine malgré les abus (instruction sur quelques articles que ses adversaires lui imposent et lui attribuent…) en 1518 et en 1520 encore, il envoie au Pape Léon X des lettres où des formules déférentes témoignent de son désir d’être instruit. Il ne s’agit pas de propos purement formels, ou de duplicité de la part de Luther : en octobre 1520 (et même si sa perception du pape a évolué de manière négative), il distingue encore la personne du pape de son entourage (la Curie) : « Léon, tu te trouves là comme un agneau au milieu des loups, comme Daniel au milieu des lions, et, comme Ezéchiel, tu as ta demeure parmi les scorpions. » (lettre à Léon X).

D’un autre côté, il continue de faire preuve d’intransigeance en refusant de se rétracter à moins d’être convaincu par des arguments tirés de l’Ecriture, et, dès 1518, il se considère comme en sursis : « J’attends chaque jour une condamnation venue de Rome. C’est pourquoi je prends mes dispositions et je mets tout en ordre afin que, lorsqu’elle viendra, je sois prêt à partir comme Abraham, sans savoir où j’irai, mais ferme dans ma certitude, car Dieu est partout. » (Lettre à Spalatin, 25 novembre 1518.

Textes de Martin Luther:
Les Quatre-vingt-quinze Thèses

IV. Le pape ne peut ni ne veut remettre aucune peine, excepté celles qu’il a imposées soit de sa propre volonté, soit conformément aux canons.

XXXI. Autant est rare un homme qui fait vraiment pénitence, autant est rare celui qui acquiert authentiquement des indulgences : c'est-à-dire qu’il est rarissime.

XXXII. Ils seront condamnés pour l’éternité avec leurs maîtres, ceux qui croient, par des lettres d’indulgences, être assurés de leur salut.

XLIII. Il faut apprendre aux chrétiens que celui qui donne aux pauvres ou prête à celui qui est dans le besoin fait mieux que s’il achetait des indulgences.

XLIX. Il faut apprendre aux chrétiens que les indulgences du pape sont utiles s’ils ne se confient pas en elles, mais qu’elles sont excessivement nocives si elles leur font perdre la crainte de Dieu.

LXVII et LXVIII. Les indulgences, que les prédicateurs publient bien haut comme les plus grandes grâces, […] sont, cependant, en réalité bien minimes, comparées à la grâce de Dieu et à la piété de la croix.

Sermon sur les indulgences et la grâce

I. Sachez tout d’abord qu’un certain nombre de docteurs récents […] distinguent trois parties dans la pénitence, à savoir la contrition, la confession, la satisfaction.

II. Ils disent que les indulgences ne dispensent ni de la première ni de la deuxième partie, c'est-à-dire ni de la contrition ni de la confession, mais de la troisième, à savoir la satisfaction.

III. La satisfaction est divisée à son tour en trois parties, à savoir la prière, le jeûne et l’aumône. Dans cette classification, la prière comprend toute sorte d’œuvres d’ordre spirituel […] ; Le jeûne comprend toutes sortes d’œuvres de mortification physique […] ; l’aumône comprend toutes sortes de bonnes œuvres dictées par l’amour et la miséricorde envers le prochain.

IV. Pour tous ces théologiens, il ne fait aucun doute que les indulgences dispensent de ces mêmes œuvres au titre de la satisfaction, c'est-à-dire des œuvres que nous devons ou qui nous sont imposées [par l’Eglise] à cause du péché. En effet, si l’indulgence dispensait de toutes ces œuvres en général, il n’y aurait plus rien de bien que nous puissions faire.

XVIII. J’ignore si les indulgences permettent de retirer des âmes du purgatoire, et je ne le crois pas, malgré les affirmations de certains théologiens modernes ; mais il leur est impossible de prouver leurs dires, et l’Eglise ne s’est pas encore prononcée à ce sujet ; c’est pourquoi, pour plus de sûreté, il vaut beaucoup mieux que tu intercèdes pour ces âmes et que tu œuvres pour elles, car ce moyen est éprouvé et certain.

Martin Luther