Martin Luther écrivant ses sermons
8- Les sermons de 1518-1519
On aurait tort de croire que, dès après la fin de 1517, Luther se soit cantonné dans la polémique et l’apologie : durant ces années, Luther développe aussi une activité
pastorale et d’édification tout-à-fait remarquable.
Il s’agit là de l’autre versant de l’activité littéraire déployée avec les 95 thèses : les premières visaient à abattre toute fausse sécurité ; bien des écrits de
1518-1519, qui portent le titre de « sermon », visent à réconforter les consciences inquiètes pour leur salut et leur sort dans l’au-delà.
Les « sermons » même s’ils peuvent reprendre, en les développant, des homélies effectivement prononcées, ne sont pas à confondre avec des prédications : il s’agit de courts
traités, rédigés en allemand et destinés à un large public, qui exposent des questions relatives à la cure d’âme et à la catéchèse. On trouve ainsi, par ex., en 1519 : Un
sermon sur la contemplation de la sainte Passion du Christ, Un sermon sur le saint et vénérable baptême, ou encore Un sermon sur le très vénérable sacrement du corps du Christ
et sur les confréries. Nombre de ces sermons réconfortent les croyants en leur présentant les gages visibles du salut que sont les sacrements.
Ces écrits, très largement diffusés (chacun d’entre eux connut, jusqu’en 1522, 14 éditions ou plus), eurent un impact non négligeable dans les milieux laïques. Des auteurs
de feuilles volantes (Flugschriften) reprennent les idées de Luther en les simplifiant, pour les adresser à un public plus large encore. Ainsi, en 1522, Johann Diepold
invite les lecteurs de son Utile sermon…à ne pas se tourmenter pour leurs péchés passés : « Je sais bien que je ne puis gagner le salut. Le Christ mon Sauveur l’a
gagné pour moi. Ce n’est pas par mes bonnes œuvres, mais seulement par l’espérance de la miséricorde de Dieu que je voudrais être sauvé. C’est en lui seul que je place mon
espérance. »
La même année, un auteur anonyme exalte la justification, par laquelle Dieu en personne surmonte l’endurcissement humain, parce qu’il est « ton ami plus que toi-même
et [qu’] il t’aime plus que tu ne t’aimes toi-même. » Un troisième écrit, avec des accents passionnés : « Dieu veut être ton époux. Il veut te donner le
ciel pour rien, par pur amour ; il veut t’aimer passionnément. »
Ainsi donc, la théologie christocentrique éminemment positive de Luther ne reste pas confinée dans le cénacle des universitaires, mais gagne toutes les couches de
la société de son temps.
Textes de Martin Luther: Sermon sur la contemplation de la sainte passion du Christ
Voilà comment certains pensent à la passion du Christ : Ils se mettent en colère contre les juifs, chantent des invectives contre le pauvre Judas et se contentent de
cela […] Je n’appellerais pas cela contempler la passion du Christ, mais plutôt Judas et la méchanceté des juifs. […]
Si tu es accablé de tristesse ou d’une quelconque affliction du corps ou de l’esprit, affermis ton cœur en te disant : « Pourquoi ne devrais-je pas, moi aussi,
souffrir une petite contrariété, alors que mon Seigneur a sué du sang au jardin [de Gethsemané], par angoisse et par affliction ? » Ce serait un serviteur paresseux
et indigne, celui qui voudrait se vautrer sur son lit pendant que son maître lutte dans les affres de la mort !
Vois-tu, c’est ainsi qu’on trouve en Christ la force et le réconfort contre tout vice et toute immoralité. C’est ainsi qu’on médite bien les souffrances du Christ, ce sont
là les fruits de ses souffrances, et celui qui s’exerce de cette manière fait mieux que d’écouter tous les sermons de carême et toutes les célébrations de messes. Non que
les messes ne soient pas une bonne chose, mais elles ne sont d’aucun secours sans cette méditation et cet exercice.
Sermon sur la préparation à la mort
A l’heure de sa mort, aucun chrétien ne doit douter et se croire seul face à sa mort ; il peut au contraire avoir la certitude, et le sacrement en témoigne, que de nombreux
yeux veillent sur lui : d’abord ceux de Dieu et du Christ lui-même, puisque le chrétien croit à sa Parole et est attaché à son sacrement ; les yeux ensuite des anges,
des saints et de tous les chrétiens ; en effet, et il n’y a aucun doute là-dessus, ils forment tous un seul corps, comme l’indique le sacrement de l’autel, et tous se
précipitent vers le mourant comme vers un de leurs membres, et, en portant tout avec lui, l’aident à triompher de la mort, du péché et de l’enfer. En cette occasion, l’œuvre
d’amour et la communion des saints prennent tout leur sens et leur efficacité ; le chrétien doit se les représenter et ne pas les mettre en doute ; c’est ainsi qu’il
trouvera le courage de mourir. […]
Si donc Dieu a les yeux sur toi, tous les anges, les saints et toutes les créatures suivront son exemple ; si tu persévères dans la foi, ils te soutiendront de leurs mains.
Lorsque ton âme s’en ira, ils seront là pour t’accueillir, tu ne peux sombrer.
Martin Luther
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