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Martin Luther
par Matthieu Arnold

10- Le dénouement de l’affaire des indulgences (1521)

Textes :
Lettre à Spalatin (14 avril 1521) / Discours à Worms (17 avril 1521)
Lettre à Lukas Cranach (28 avril 1521)


11- A la Wartburg (mai 1521-mars 1522)

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Luther devant la diète de Worms

Le dénouement de l’affaire des indulgences (1521)

Condamné - mais sans être réfuté, comme il le demandait, sur la base de la Bible - par la bulle Exsurge Domine (15 juin 1520), Luther écrivit à l’Empereur Charles Quint le 30 août suivant pour se mettre sous sa protection jusqu’à ce qu’on lui permît de répondre en public de ses écrits.

Une nouvelle bulle papale, Decet romanum pontificem ( 3 janvier 1521), le déclara « hérétique obstiné » et l’excommunia, ainsi que ses partisans. En principe, les pouvoirs publics n’avaient qu’à exécuter la sentence ecclésiastique. Mais Frédéric de Saxe estimait ce jugement infondé, Luther n’ayant pas été entendu par des juges impartiaux ni convaincu d’erreur. Il obtint de Charles Quint que Luther fût invité et entendu à Worms, à l’occasion de l’Assemblée des Etats de l’Empire (Diète).

La Diète qui s’ouvrit les 27-28 janvier 1521, traita principalement des questions financières et politiques. Ce n’est que le 13 février que le nonce papal Aléandre tint un long discours sur les erreurs de Luther ; les Etats convinrent cependant de permettre à l’hérétique de se justifier. Au début de mars, Charles Quint ordonna, contre leur avis, que les écrits du Réformateur fussent mis sous séquestre ; en même temps, il adressa un sauf-conduit à Luther.

Luther se mit en route le 2 avril. Accompagné par un ami et un Frère de son Ordre, il entreprit, un voyage triomphal à travers la Thuringe et la Hesse (en février 1521 déjà, le légat du pape estimait que 9/10 des Allemands étaient favorables à Luther, le reste partageant son hostilité à Rome !), et parvint à Worms le 16 avril. Le lendemain, il fut convoqué à la résidence de l’Empereur, en présence d’une assemblée nombreuse

Là, le Réformateur, qui avait prévenu qu’il ne « viendrait pas à Worms si on l’y convoquait uniquement pour chanter la palinodie », eut à subir une amère déception : alors qu’il avait été appelé pour « donner des informations au sujet de ses doctrines et livres », un ecclésiastique se borna à lui demander s’il reconnaissait les livres publiés en son nom disposés devant lui et s’il était prêt à en réfuter le contenu.


Luther brûle la bulle du pape

Surpris, il demanda et obtint un délai de réflexion. Le lendemain, c’est avec assurance qu’il lut, en allemand puis en latin, son Discours : invoquant sa conscience, liée à la Parole de Dieu, il ne consentait à révoquer ni ses écrits d’édification, ni même ceux dirigés contre la papauté ou des personnes privées (à moins d’être convaincu par l’Ecriture).

La réaction de Charles Quint ne tarda pas : le 19 mai, l’Empereur fit lire une déclaration en français qui témoignait de sa fidélité à la foi catholique, et exprimait sa détermination à agir sans tarder contre Luther. Des négociations en coulisse menées les jours suivants avec des ecclésiastiques et des princes allemands ayant échoué, Luther quitta Worms le 26 avril, muni d’un sauf-conduit valable pour trois semaines. Un mois plus tard, l’édit de Worms le mettait au ban de l’Empire. Entre temps, Luther avait été enlevé le 4 mai dans la forêt de Thuringe par des chevaliers de Frédéric le Sage, et mis en sûreté au château de la Wartburg.

La comparution de Luther devant la Diète de Worms accrut sa popularité : on compara cet épisode au procès du Christ, de nombreux écrits prirent le parti de Luther, et son discours connut de nombreuses éditions. Plus tard, son refus d’abjurer est devenu le symbole de l’opposition entre l’individu et l’institution, entre la conscience captive de l’Ecriture et celle liée par le système de l’Eglises romaine.

Textes de Martin Luther:
Lettre à Spalatin (14 avril 1521)

Nous venons, mon cher Spalatin, quoique Satan ait déjà essayé de m’en empêcher par plus d’une maladie. Car tout le long du chemin, depuis Eisenach jusqu’ici, je me suis trouvé dans un état de faiblesse que je n’avais jamais connu jusqu’alors, et qui dure encore. De plus, je comprends que l’édit de l’Empereur (condamnant les ouvrages de Luther) a été publié pour m’effrayer. Mais le Christ vit, et nous entrerons à Worms malgré toutes les portes de l’enfer et les puissances de l’air.

Discours à Worms (17 avril 1521)

Puisque Votre Sainte Majesté et Vos Seigneuries me demandent une réponse simple, je vous la donnerai sans cornes ni dents. Voici : à moins qu’on me convainque autrement par des attestations de l’Ecriture ou par d’évidentes raisons - car je n’ajoute foi ni au pape ni aux conciles seuls, puisqu’ils se sont souvent trompés et qu’ils se sont contredits eux-mêmes -, car je suis lié par les textes scripturaires que j’ai cités et ma conscience est captive des paroles de Dieu ; je ne puis ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sage ni honnête d’agir contre sa propre conscience. Je ne puis autrement. Me voici.

Lettre à Lukas Cranach (28 avril 1521)

On ne s’attendait pas à mon arrivée à Worms, et comment on a respecté le sauf-conduit, c’est ce que vous savez tous par l’interdiction qui est venue à ma rencontre. Je pensais que sa Majesté Impériale aurait rassemblé un ou cinquante docteurs et aurait vaincu le moine selon les règles. Mais il ne s’est pas agi d’autre chose que ceci : « Les livres sont-ils de toi ? » « Oui » « Veux-tu les rétracter, oui ou non ? Alors, lève-toi ! » O nous autres aveugles allemands, comme nous agissons d’une manière enfantine et nous laissons lamentablement duper et berner par les suppôts de Rome !

Martin Luther