Page d'accueil Nouveautés Sommaire Auteurs
Retour à " Luther " Contact - Inscription à la newsletter - Rechercher dans le site

Martin Luther
par Matthieu Arnold

13- Le mariage avec Catherine (1525) et la vie de famille

Textes :
Sermon sur l’état conjugal (1519) / De la vie conjugale (1522)
Extraits de lettres / Extraits de Propos de Table


14- L’organisation de l’église évangélique

Pour accéder au chapitre suivant, cliquer sur le titre vert.


Catherine de Bora

Le mariage avec Catherine (1525) et la vie de famille

Lorsque, le 7 avril 1523, Luther accueille au Couvent Noir, dont il demeure le dernier occupant avec Eberhard Brisger, neuf nonnes enfuies du couvent de Nimbschen, il est loin de se douter qu’il épousera l’une d’entre elles. Certes, il a en tête de marier celles qui sont encore en âge de l’être, afin d’assurer leur subsistance, mais il ne se compte pas au nombre des époux potentiels.

Ce n’est que deux ans plus tard qu’il envisage le mariage, et ce n’est qu’après la guerre des paysans, en juin 1525, que sa décision est ferme : il épousera Catherine de Bora - qu’il a vainement essayé d’accorder à des hommes plus fortunés que lui -, laquelle avait suggéré à un proche de Luther qu’elle serait disposée à l’épouser, lui Nicolas von Amsdorff… ou le Docteur Martin.

Cette ancienne moniale de 26 ans, de petite noblesse, il la prend pour femme non par passion, mais confesse-t-il dans sa correspondance et ses Propos de Table, pour irriter ses ennemis, marquer une rupture complète avec la vie « papiste » de clerc célibataire, donner l’exemple à ceux qui hésitent encore à franchir ce pas et obéir à la volonté de son père. S’il se marie au sortir de la Guerre des Paysans, c’est également pour donner un signe d’espérance à ceux qui pensaient arrivée la catastrophe finale.

« Chérie d’un amour réfléchi » par son mari, regardée comme une orgueilleuse par nombre d’amis de Luther (dont Philippe Mélanchthon), Catherine saura introduire de la tendresse dans ce mariage de raison, et seul le décès de Luther marquera la fin de leur union. « Grâce à Dieu, mon mariage a été heureux », déclare Luther dès 1530.


Luther et Catherine

Le couple aura six enfants, mais en perdra deux : Elisabeth à l’âge de neuf mois, et Madeleine dans sa quatorzième année. Ces deuils affecteront beaucoup Luther.

Catherine se révèle une maîtresse de maison remarquable, au point que Luther la surnomme « mon impératrice » ou « mon Moïse » ; elle cultive les champs, achète et fait paître le bétail, brasse la bière, s’occupe de l’entretien du vaste Couvent Noir, mais aussi des repas que prennent leurs pensionnaires. Sa gestion rigoureuse compense les libéralités de Luther, qui reconnaît « ne rien comprendre à la tenue du ménage ».

Mais Luther ne la cantonne pas à la sphère domestique. Soucieux de sa culture théologique et de sa piété, en 1535 il lui promet 50 florins si elle parvient à lire toute la Bible avant Pâques. Lorsqu’il est absent de Wittenberg, dans ses lettres il n’hésite pas à lui faire part de questions théologiques (par ex., les discussions sur la Cène avec Zwingli) ou d’informations politiques. Il la charge encore de veiller sur l’impression de ses ouvrages, et attache du prix à ses conseils, en tant que « femme sage et docteur ».

En 1540, en opposition au droit saxon, qui lésait les veuves, Luther constitue son épouse légataire universelle : « Tu as porté nos enfants et leur a donné le sein, tu ne pourras pas mal gérer les affaires de nos enfants. Je n’aime pas les tuteurs, qui agissent rarement bien. » Quant à Catherine, elle écrit le 2 avril 1546, quelques mois après la mort de son époux : « je suis affligée à un point tel que je ne puis confier ma douleur à personne […] Je ne puis ni manger ni boire, pas plus que je ne puis dormir. Et si j’avais possédé une principauté et un empire, jamais je ne souffrirais de les avoir perdus autant que maintenant, alors que notre bien-aimé Seigneur Dieu m’a enlevé mon cher et bien-aimé mari. »

Textes de Martin Luther :
Sermon sur l’état conjugal (1519)

Les gens mariés doivent savoir une chose au moins : c’est qu’ils ne peuvent mieux servir ni accomplir de meilleure œuvre pour Dieu, pour la chrétienté, pour le monde entier, pour eux-mêmes et leurs enfants, qu’en élevant bien ces derniers […] C’est la voie la plus directe vers le ciel ; ils n’en ont pas de meilleure ou de plus rapide. Cette œuvre est celle qui leur est propre ; lorsqu’ils ne s’y appliquent pas, ils agissent de manière absurde ; c’est comme si le feu cessait de brûler ou que l’eau cessait de mouiller.

De la vie conjugale (1522)

Parlant du mariage, le monde dit : « C’est une joie brève et un long désagrément. » Laisse-le donc dire ce qu’il veut ! Il ne peut que se moquer de l’œuvre et de la volonté de Dieu

[…] C’est tout autre chose de se marier et de reconnaître la vie conjugale. Celui qui est marié et ne reconnaît pas la vie conjugale ne peut, au grand jamais, y vivre sans désagrément, peine et misère. […] Mais celui qui reconnaît la vie conjugale y trouve plaisir, amour et joie sans relâche, comme le dit Salomon : « Quiconque trouve une femme trouve quelque chose de bon », etc.

Or, ceux-là reconnaissent la vie conjugale qui croient fermement que Dieu lui-même a institué le mariage et qu’il a ordonné d’unir l’homme et la femme, d’engendrer des enfants et d’en prendre soin. Pour gage de cela, ils possèdent, en effet, la Parole de Dieu, qui les assure qu’il ne ment point (Genèse,I). […] Maintenant, dis-moi : comment un cœur peut-il connaître plus de bonheur, de paix et de joie, sinon en Dieu, et dans la certitude que son état, son être et son œuvre plaisent à Dieu ?

[…] Dis-moi, maintenant : si un homme se mettait à laver les langes ou à s’acquitter auprès de son enfant de quelque tâche méprisable, et si tout le monde se moquait de lui et le tenait pour sot et pour un homme efféminé, alors qu’il agit uniquement dans le sentiment que nous avons dit et dans la foi chrétienne ; dis-moi, mon cher, qui aurait, ici, le plus sujet de se moquer de l’autre ? Dieu rit avec tous les anges et toutes les créatures, non pas de ce qu’il lave les couches, mais de ce qu’il le fait dans la foi.

Extraits de lettres

« Elle se porte bien, par le don de Dieu, et elle m’est docile et complaisante en toutes choses, et plus agréable que je n’eusse osé l’espérer (grâces soient rendues à Dieu), de sorte que je ne voudrais pas échanger ma pauvreté avec les richesses de Crésus. » (Lettre n°1032)

« Salue ton épouse avec beaucoup de douceur. Tu le feras en vérité de telle sorte que, quand, sur le lit nuptial, tu étreindras Catherine (Spalatin) avec des embrassades et des baisers très doux, tu auras cette pensée : cet être humain, la meilleure créature de Dieu, mon Christ me l’a donné ; à lui soient louange et gloire. Moi aussi, lorsque j’aurai deviné le jour où tu recevras la présente lettre, aussitôt après, la même nuit j’aimerai mon épouse pareillement en mémoire de toi. » (A Georges Spalatin, lettre n°952)

Ma fillette Elisabeth est morte ; il est étonnant combien mon cœur en est malade, presque comme celui d’une femme, tant j’ai de chagrin à son sujet. Je n’aurais jamais cru, auparavant, que les cœurs paternels s’adoucissaient autant pour leurs enfants. » (Lettre n°1303)

Extraits de Propos de Table

« Si quelqu’un m’avait dit lorsque j’étais à la Diète de Worms (1521) : « Dans six ans tu auras une femme et tu seras bien installé à la maison », je ne l’aurais pas cru. » (Propos n°1654, été 1532.)

« La première année de notre mariage viennent de curieuses pensées. On est assis à table et on pense : « Autrefois j’étais seul, maintenant j’ai changé. » Au lit, on aperçoit une paire de tresses à côté de soi, elles ne s’y trouvaient pas auparavant. » (Propos n°317a, juin 1532)

Je ne donnerais pas ma Käthe pour la France ou pour Venise, d’abord parce que c’est Dieu qui me l’a donnée et qui m’a donné à elle ; ensuite, parce que j’entends souvent dire que les autres femmes ont plus de défauts que ma Käthe ; même si elle en a quelques-uns, elle a des qualités bien plus grandes encore ; enfin, parce qu’elle respecte la parole donnée dans le mariage, c'est-à-dire l’honneur et la fidélité. » (Propos n°49, été-automne 1531)