Page d'accueil Nouveautés Sommaire Auteurs
Retour à " Luther " Contact - Inscription à la newsletter - Rechercher dans le site

Martin Luther
par Matthieu Arnold

14- L’organisation de l’église évangélique (1524-1530)

Textes :
Cantique « Réjouissez-vous donc tous ensemble, chrétiens bien-aimés »
Lettre au prince-électeur Jean de Saxe (30 novembre 1525) / Grand Catéchisme


15- Les années 1530 et 1540

Pour accéder au chapitre suivant, cliquer sur le titre vert.


Luther prêchant

L’organisation de l’église évangélique (1524-1530)

Dans le domaine du culte, Luther, qui avait rédigé quelques années auparavant, De l’organisation du culte dans la paroisse (1523), effectue une paraphrase allemande du Notre Père (Messe allemande, 1526), qui suit la prédication et prépare, en tant que confession de foi, à la communion.

Et surtout, il compose trente six cantiques en langue vernaculaire. Un premier recueil paraît en 1524 à Nuremberg ; le plus célèbre de ses cantiques, Ein feste Burg ist unser Gott (C’est un rempart que notre Dieu), date de 1528 et proclame la souveraineté de Dieu sur les puissances mauvaises. Inspirés étroitement de la Bible (notamment des Psaumes) ou fondés sur des hymnes allemands ou latins du Moyen Age, ces chants ressortissent à des genres divers : prières, chants confessants, catéchétiques ou à fonction liturgique… En revanche, ils ont en commun une tonalité extrêmement positive : exaltant l’œuvre salvatrice du Christ pour le croyant, c’est avec sérénité qu’ils envisagent les tribulations et la mort.

Il convenait également de donner une organisation à l’Eglise évangélique. Dès 1525, Luther suggère au prince électeur de faire contrôler la manière dont sont financées les paroisses et les écoles dans ses territoires. La visite pastorale n’a lieu qu’à partir de 1527 ; elle a trait non seulement aux problèmes matériels, mais encore aux questions morales et doctrinales. Luther en personne y prend part en 1528. Par la suite, il institue des surintendants, pasteurs chargés d’une fonction de surveillance, notamment sur leurs collègues.

Une fois constatés les besoins en argent et en hommes instruits, Luther multiplie les lettres de recommandation pour des pasteurs, pourvoie les paroisses en ministres, tout en les incitant d’une part à prendre soin elles-mêmes de la relève : « Et c’est aujourd’hui une époque d’or, où l’on peut éduquer bien et richement, et aussi facilement des personnes instruites et de qualité ; qui sait comment il en sera par la suite ? », d’autre part à traiter convenablement les serviteurs de l’Evangile : « Si l’on doit maintenir des églises, ainsi que l’on en a la responsabilité, il faut véritablement que les souverains y mettent de l’argent. »


Luther écrivant

L’instruction religieuse lacunaire des fidèles, mais aussi de bon nombre de pasteurs, l’amène en outre à faire paraître en 1529 le Petit et le Grand Catéchisme. Tous deux exposent les Dix Commandements, le Credo et le Notre Père. Plus bref, le premier, destiné aux « pasteurs et prédicateurs peu instruits » mais aussi aux chefs de famille, comporte des questions et des réponses ; le second renferme de plus amples développements sur les différents points doctrinaux.

En 1530, la Diète d’Empire se réunit à Augsbourg, pour traiter notamment des questions de type politico-religieux. Son statut de banni interdit à Luther de quitter la Saxe électorale, et c’est de la forteresse de Cobourg que, des mois durant, il suit les négociations entre les évangéliques - conduits par Mélanchthon et les juristes du prince-électeur Jean -, et les partisans de la foi traditionnelle. Il n’a qu’une influence indirecte sur l’exposé de foi que les évangéliques lisent devant Charles Quint, et qui deviendra la Confession d’Augsbourg, texte symbolique de référence pour les églises luthérienne, mais ses lettres de réconfort encouragent ses amis à la persévérance.

Par la suite, pour ce qui est des questions relatives à l’organisation de l’Eglise, Luther tentera de se mettre en retrait, laissant l’initiative aux surintendants (notamment Georges Spalatin), mais aussi à son ami Philippe Mélanchthon. Il n’en continuera pas moins, jusqu’à la fin de sa vie, à être sollicité au sujet des questions les plus diverses : affaires matrimoniales, litiges entre pasteurs, cérémonies cultuelles…

Textes de Martin Luther :
Cantique « Réjouissez-vous donc tous ensemble,
chrétiens bien-aimés »

Réjouissez-vous donc tous ensemble, chrétiens bien-aimés
Et dansons de joie
D’un même élan et d’un même accord
Chantons avec amour et joie
Ce que Dieu a fait pour nous,
Son doux miracle qu’il a payé fort cher.

J’étais prisonnier du diable,
Egaré dans la mort.
Le péché, dans lequel je suis né,
Me torturait nuit et jour.
Je ne cessais de m’y enfoncer. […]

Mes bonnes œuvres n’avaient aucune valeur,
Tout en elle était corrompu. […]
La peur m’amena à désespérer :
Il n’y avait pour moi d’autres issues que la mort,
Je devais sombrer en enfer.

Alors Dieu dans l’éternité
Eut pitié de mon extrême misère. […]
Il livra ce qu’il avait de plus cher. […]

Le Fils obéit à son Père […]
Il vint à moi sous un pauvre aspect,
Il voulait attraper le diable. […]

Il me dit : tiens-toi fermement à moi,
Tu dois réussir à présent.
Je me donne tout entier à toi,
Je veux lutter pour toi.
Car je suis tien et tu es mien,
Où je demeure, tu seras aussi,
Et l’ennemi ne nous séparera pas.

Il répandra mon sang et me ravira la vie.
J’endure tout cela pour ton bien, conserve cela avec une foi solide.
Ma vie engloutit la mort,
Mon innocence porte ton péché
Te voilà sauvé !

Lettre au prince-électeur Jean de Saxe (30 novembre 1525)

Grâce et paix en Christ ! Altesse sérénissime, illustre Prince, gracieux Seigneur ! […] Comme Votre Grâce Electorale daigne solliciter mon avis sur la façon dont il convient de procéder, je me permets humblement de suggérer que V.G.E. fasse inspecter toutes les paroisses, dans toute l’étendue de la principauté. Là où on constaterait que les gens veulent avoir des prédicateurs évangéliques, et où le revenu des paroisses ne serait pas suffisant pour les entretenir, la commune intéressée devrait aussitôt, sur l’ordre de V.G.E., verser annuellement la somme déterminée, soit par l’hôtel de ville, soit d’une autre façon. Car là où ils veulent avoir des pasteurs, il appartient à V.G.E. de les exhorter à ce qu’ils paient l’ouvrier, comme l’Evangile l’enseigne (Matthieu 10,10). […] Il faudrait aussi porter attention aux pasteurs âgés et à ceux qui, pour quelque autre raison, ne sont pas en état de remplir convenablement leur office. S’ils sont pieux, ou s’ils ne sont pas opposés à l’Evangile, ils devraient être astreints (s’ils ne sont pas capables de prêcher) soit à lire eux-mêmes, soit à faire lire les Evangiles avec les sermons correspondants du sermonnaire. Ils pourraient ainsi annoncer l’Evangile au peuple qui doit pourvoir à leur entretien.

Grand Catéchisme

Explication du premier commandement

Qu’est-ce qu’avoir un dieu ? Ou qu’est-ce que Dieu ? Réponse : Un dieu, c’est ce dont on doit attendre tous les biens et en quoi on doit avoir son refuge en toutes détresses, de telle sorte qu’avoir un dieu n’est autre chose que de croire en lui de tout son cœur et, mettre en lui sa confiance. […] Si la foi et la confiance sont justes et vraies, ton Dieu, lui aussi, est vrai, et inversement, là où cette confiance est fausse et injuste, là non plus n’est pas le vrai Dieu. Car foi et dieu sont inséparables. Ce à quoi, dis-je, tu attaches ton cœur et tu te fies est, proprement, ton dieu.

Explication de « Notre Père qui es aux cieux »

Nous considérons ici la pauvre corbeille à pain de notre corps et des besoins de notre vie temporelle. C’est une parole brève et simple, néanmoins sa portée est très étendue. En effet, quand tu nommes et demande « le pain quotidien », tu demandes tout ce qui doit être là pour avoir ce pain quotidien et pour en jouir, et, inversement, tu pries également contre tout ce qui est entrave à cela. C’est pourquoi, il te faut ouvrir ta pensée et l’étendre non seulement jusqu’au four et à la huche, mais encore jusqu’aux vastes champs et à la campagne tout entière qui produit et nous procure le pain quotidien et des nourritures de toute sortes. […] pour le dire en bref, cette demande comprend tout ce qui est nécessaire à cette vie tout entière en ce monde […] Or, pour vivre, il ne suffit pas que notre corps ait subsistance et couverture [1 Timothée 6,8] et autres choses nécessaires ; il faut encore que parmi les gens avec lesquels nous vivons et que nous fréquentons dans les relations quotidiennes et les affaires de toutes sortes, nous connaissions la tranquillité et la paix. Bref, cette demande comprend tout ce qui concerne, à la fois, la vie de la maison et les relations avec les voisins ou les affaires publiques.