Une affaire du passé que l'on peut situer dans l'aujourd'hui.
Une rue très passante nous sépare.
Il habite au rez-de-chaussée d'un immeuble situé en face de celui où j'exerce le métier de pharmacien d'officine.
Un jour, il pénètre dans la pharmacie. Il tient une ordonnance à la main. A sa lecture je constate que
les médicaments prescrits sont dangereux. Je dois les inscrire sur l'ordonnancier en lui demandant son nom et son adresse.
Un début de relation s'établit alors entre nous.
"Je suis Monsieur X". Cinquante ans environ. Nom manifestement nord-africain.
"J'habite en face de chez vous. Je loge au rez-de-chaussée et suis le gardien du sous-sol de l'immeuble.
Ce lieu permet aux musulmans du quartier de se rassembler pour prier."
Commentaires de l'ordonnance et au-revoir.
De mon côté, établi depuis peu de temps dans ce quartier, proche de deux grandes gares et trois hôpitaux, je découvrais
"le monde entier", peuplé d'asiatiques de l'Orient et de l'Extrême -Orient, d'Africains du Nord et du Centre,
de Français d'Outre-mer et des citoyens des USA. Mon étonnement avait une explication. J'avais exercé
mon métier en milieu relativement homogène qu'il soit rural ou parisien.
Alors, que s'est-il passé ?
L'adaptation a été rapide car c'est "la maladie" qui fut à l'origine de notre relation.
Dire sa souffrance et ses malaises, évoquer les évènements de la vie quotidienne, de sa part, écouter sa demande,
exécuter l'ordonnance, la commenter en allant au delà du "comment ça va ?" de ma part, tout cela a pu créer
de petits liens qui se sont insensiblement transformés en relation, une relation qui dépasse les fonctions "client" et "professionnel".
Les mois, les années ont passé. La santé de notre voisin s'est progressivement dégradée. De mon côté, avec ma femme, fatigués,
nous avons décidé de prendre notre retraite. Nous avons informé notre ami de notre prochain départ. Sa réaction
fut étonnement, déception et peut-être tristesse.
A-Dieu l'ami !
Il a su manifester la qualité de notre relation d'une façon inattendue. Un matin, il a traversé
la rue avec un paquet bien enveloppé. Il me l'a tendu en disant: "voilà, monsieur Fournier".
En dégageant l'emballage, j'ai découvert un livre... un livre que ma bibliothèque n'a jamais contenu.
Le titre de ce présent: "LE CORAN, en numéro spécial édité par France Islam."
Mutuellement, avec émotion, nous nous sommes dit: "merci". Quelques jours après, j'apprenais son décès.
A-Dieu, le frère, A-Dieu l'ami !
Charles Fournier
Atelier de tissages "La maison islamo chrétienne"