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Nicolas Alquin
Le Nouveau-Né



1993, chêne doré à la feuille, h. 250cm

Alquin, sculpteur et dessinateur d’une soixantaine d’années, vit à Paris et travaille à Bagneux. Il a fait du bois le matériau premier de son invention sculpturale, en taillant directement des poutres, dans lesquelles il découvre les formes qu’il fabrique. Artiste statuaire,il s’attache à la figure humaine, et a réalisé plusieurs commandes dans des lieux publics, notamment Parole portée à la mémoire des victimes du terrorisme, bronze, 1998, Jardin de l'Intendant, boulevard des Invalides, Paris, 7e ; La paix soit avec toi, 2018, bronze et bois, cathédrale Notre-Dame de la Treille, Lille, ainsi que la Croix d’Espérance et de Résurrection, chêne, église Notre Dame d’Espérance, Paris, 11e. Site internet : https://www.alquin.fr/



De loin, dans l’impressionnante nef de l’église abbatiale de Fontevraud, on aperçoit plusieurs figures silencieuses, un ange suspendu au-dessus des gisants, et, loin derrière, Le Nouveau-né, une composition de trois poutres de bois qui accrochent la lumière. Leur couleur chaude contraste avec le blanc des murs, le dépouillement du volume associant à la grandeur de l’espace les neuf siècles qui l’ont façonné, depuis la fondation de l’abbaye en 1101. Dans cet espace-temps si singulier, toutes ces statues d’Alquin se tiennent verticales et scandent notre cheminement, le temps de cette exposition qui a commencé avec l’Avent.

Ce Nouveau-Né s’impose solitaire, entouré de loin par des figures qui veillent sur lui, Marie, Elisabeth, et cet Ange suspendu, accompagnées de Robert d’Arbrissel, le fondateur de l’abbaye, au corps traversé de lumière. Et cet étrange Jésus me retient depuis le jour où je l’ai découvert, pour sa puissance mystérieuse. Ce n‘est pas l’image bien connue, et combien juste elle aussi, du Christ tout bébé, allongé et entouré d’un halo de lumière, comme dans la Nativité du Corrège. Ici la verticalité et la puissance des poutres de chêne évoquent autre chose, le surgissement d’une existence nouvelle, à peine ébauchée et dont le visage ou les membres n’apparaissent pas encore clairement. La stature marquante de la poutre centrale est renforcée par les deux poutres de droite et de gauche, qui sont plus hautes et dessinent une mandorle rayonnante, semblant protéger cette vie nouvelle.



Résolument, la poutre du milieu impose sa présence, solide et fragile à la fois. La contradiction interne de ces deux notions – solidité et fragilité - condense la puissance de l’œuvre, où s’associent le passé de poutres venues d’on ne sait quelles constructions anciennes et l’avenir d’une figure appelée à grandir. Mystère, miracle, de cette naissance, comme de toute naissance à mes yeux, où se croisent une vulnérabilité maximale et une énergie potentielle infinie.

Dans ces trois poutres de bois s’entrevoit aussi le métier de charpentier de Joseph, que Jésus a dû apprendre à ses côtés, et se dessine, dès la naissance, l’ombre menaçante de la croix, croix de mort à venir qui plane sur toute vie, croix d’espérance radicale qui déchire les ténèbres du quotidien.

Cette sculpture est plus qu’une simple addition de ces trois poutres car la composition irradie d’une vie sans pareille. Où l’on devine et pressent tout ce qu’on désire et attend. Nos rêves et nos espoirs se condensent dans ce bois rayonnant de silence, de puissance et de lumière.

Paul-Louis Rinuy

Exposition Alquin. Elle et le chemin
Abbaye royale de Fontevraud, 49590 Fontevraud-l’Abbaye,
jusqu’au 6 mars 2023



Robert d’Arbrissel ou Le traversé, 2022, Chêne doré à la feuille, h. 174cm