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1er dimanche du carême


Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc
Mc 1, 12-15

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.

Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

Dieu et Satan ?
Christine Fontaine

Apprendre à dire « Je t’aime »
Michel Jondot

Toujours plus bas
Christine Fontaine


Dieu et Satan ?

Un passage obligé

L’Église a, pendant des siècles, agité la peur du démon pour maintenir les catholiques dans le droit chemin. On a sculpté son image dans la pierre sous la forme d’un lion rugissant prêt à dévorer ses proies. Ils sont légion, au linteau des cathédrales, avec leurs fourches pour agripper les hommes et les plonger dans les flammes de l’enfer. Aujourd’hui cette crainte du démon ne porte plus guère. Les sculptures qui le représentent nous paraissent le signe d’une époque révolue.

Et pourtant l’Évangile lui-même parle du démon à plusieurs reprises, en particulier dans ce passage d’Évangile. Juste après son baptême et juste avant d’entrer dans la vie publique, « l’Esprit pousse Jésus au désert. Et dans le désert il resta quarante jours tentés par Satan ». Après 30 ans de vie cachée et avant trois ans de vie publique, Jésus a vécu ces 40 jours de tentation comme un passage obligé : il y est « poussé par l’Esprit ». Que nous révèle ce passage de Jésus et cet affrontement avec celui qui est appelé Satan dans l’Évangile ?



Le démoniaque

Ce passage a une durée limitée : 40 jours. Il nous est dit par ailleurs que le démon ne se risquera plus jamais à tenter Jésus : il s’éloignera de lui jusqu’au moment fixé, c’est-à-dire le jour de la Croix. Ce temps limité est vécu par Jésus dans le désert. Il n’y rencontre aucun autre être humain. Aussitôt après son baptême, l’Esprit pousse Jésus à aller là où ne vit aucun autre homme que lui. En s’affrontant au démon, il révèle que l’humanité est prise dans une force démoniaque infra humaine qui passe par elle, la manipule et qu’il est seul à pouvoir repousser.

Jésus, dans le désert, « vivait parmi les bêtes sauvages. » Cette force démoniaque s’incarne dans la bestialité, la bêtise et la sauvagerie qui ravagent l’humanité mais elle n’a pas sa source en elle : ce mal qui nous plonge dans le malheur et la mort vient de plus loin, ou de plus bas, que l’humanité. Jésus est le seul à pouvoir l’affronter et par conséquent à nous en libérer. Nul autre que lui ne peut, à en croire l’Évangile, s’affronter au démoniaque et en sortir victorieux.

Au lieu d’employer les termes de démon ou de Satan nous parlerions plutôt aujourd’hui de « pulsion de mort ». L’Évangile nous révèle que l’humanité est emportée dans une pulsion de mort qui n’a pas sa source en elle et que, par elle-même, elle n’a pas la force de détruire. Cette force démoniaque nous pousse à nous créer des idoles qui ont pour fonction d’occuper la place de Dieu. Nos idoles sont le désir de domination sur les autres et le goût du plaisir ou de la richesse sans limites. Le démon nous pousse à aimer ces idoles qui sont mortifères. Mais comme il est « malin », il veut nous empêcher de prendre conscience que nous sommes aliénés par cet amour de l’argent, du plaisir sans fin et de la domination. Il est le père du mensonge. Il nous pousse à nous mentir à nous-même. Nous appelons cela aujourd’hui être dans le déni.

Le divin

Après son passage par le désert, Jésus partit pour la Galilée. Il revient en pays civilisé où les hommes qu’il rencontre sont souvent pris dans ce mensonge et dans ce culte des idoles. Il leur dit : « Les temps sont accomplis. Le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »
« Les temps sont accomplis » c’est dire que ce règne est maintenant possible.
« Le règne de Dieu est tout proche » : cette force démoniaque qui cherche à entraîner l’humanité dans le malheur et la mort a trouvé bien plus fort qu’elle. Le Royaume de Dieu est désormais à portée de main. « Convertissez-vous » : ne craignez pas de reconnaître les forces qui vous aliènent.
« Et croyez à la Bonne Nouvelle » : sachez que cette aliénation n’est pas une fatalité.
Ne prétendez jamais avoir la force par-vous-mêmes de vous libérer car le démon est plus fort que vous ; mais la Bonne Nouvelle est que je suis immensément plus fort que lui et que je viens non pour vous juger mais pour vous sauver de la mort où il cherche à entraîner l’humanité.

« Ne nous soumets pas à la tentation », disait l’ancienne formule du Notre Père.
Beaucoup étaient choqués de cette expression qui semblait induire que Dieu pouvait chercher à tenter quelqu’un. Dieu ne tente personne mais c’est bien l’Esprit qui pousse Jésus au désert à résister au tentateur.
« Ne nous laisse pas entrer en tentation », dit la nouvelle formule.
Ne nous laisse pas entrer dans la tentation de croire que par nous-même nous pourrons repousser les forces de mort qui habitent l’humanité. Cette présomption – cet orgueil – est un piège de l’ennemi. Donne-nous de croire que, si nous le voulons, Jésus nous donnera son Esprit. Il fera avec nous et pour nous ce que nous sommes incapables de faire par nous-mêmes. Il fera sortir de nos vies cet esprit mortifère qui tente de nous pousser dans le mensonge, le déni, le goût pour la toute puissance, l’appétit du plaisir sans limite ou le désir de richesse sans fin. Alors nous comprendrons combien le Royaume de Dieu est déjà parmi nous !

Christine Fontaine


Apprendre à dire « Je t’aime »

La création est menacée

Catastrophe, nous dit-on : le réchauffement climatique entraîne la disparition de la planète ! La violence déchire l’univers : otages décapités, chrétiens persécutés. Les inégalités s’accroissent : les plus pauvres, dans une indifférence quasi générale, quittent leur pays, sombrent dans la mer. Bien sûr, on ne peut rester sourds à ces propos mais s’engager dans les chemins où on les profère est peut-être dangereux. On risque de s’embourber et de sombrer dans le désespoir. Si nous marchons sur ce terrain, faisons demi-tour.

« Faire demi-tour » est sans doute la meilleure façon de faire comprendre l’impératif de Jésus : « Convertissez-vous ! » Autrement dit, « changez de direction ! ». C’est ce déplacement qu’opère Jésus au début de la marche qui le conduira à Jérusalem, au lieu où il ressuscitera. Il était avec les bêtes sauvages, dans le désert, mais en compagnie des messagers de son Père (« Les anges le servaient »). Il faut échapper aux monstres menaçants et retourner là où l’on vit : « Jésus partit pour la Galilée », là où il avait grandi, là où il est connu, là où il a été aimé. « Jésus partit pour la Galilée... Il disait « Convertissez-vous et croyez en l’Evangile. » « Croyez en l’Evangile ? » Oui, croyez que là où l’on rencontre la société, là où, malgré les accrocs inévitables, on se parle librement, là où l’on s’estime malgré tout, la vie est sans cesse nouvelle, belle et bonne.

A l’heure de la souffrance

La douleur de vivre ne concerne pas seulement l’avenir de la planète. Comment croire que la vie est belle lorsque nous touche un deuil cruel : on perd son mari, son épouse, son fils ou sa fille. Un mal incurable nous a atteints : on ne peut plus rien pour nous, le médecin nous l’a fait comprendre. Notre meilleur ami, notre conjoint nous a trahis. Il nous quitte alors qu’il s’était engagé « pour le meilleur et pour le pire ». Le chômage nous menace et nos projets s’effondrent. On oublie dans ces cas-là les dangers de la planète et le texte de ce jour est insupportable : « Croyez à l’Evangile ! » L’Evangile, une « bonne nouvelle » ? Folie !

Là encore, ne nous laissons pas entraîner sur les chemins du désespoir. « Convertissez-vous ! » Si nous sommes du côté de ceux qui souffrent, tournons-nous du côté de ceux dont nous connaissons l’estime et la tendresse à notre égard. Confions-nous à eux et leur amour changera notre regard. Si, au contraire, nous traversons un temps privilégié, ouvrons les yeux. Ne laissons pas nos amis sombrer dans la tristesse ; entourons-les de notre tendresse. Bien sûr, n’hésitons pas à nous engager au service des plus démunis, des sans-abris, des femmes battues : les causes à défendre sont innombrables. Tout cela c’est de la morale et l’Evangile nous y conduit. Mais la « conversion » dont parle Jésus au désert est peut-être d’un autre ordre. Elle consiste à trouver le chemin où nous souffrirons en vérité avec autrui, où sa douleur sera la nôtre. En quoi est-ce une « bonne nouvelle ? »

En souffrant sa passion Jésus rejoignait chacun d’entre nous au plus profond de sa détresse. « J’ai versé telle goutte de sang pour toi » : Pascal entendait ce message en méditant la Passion de Jésus. Ce faisant, Jésus transformait le mal en promesse ; tel est le dernier mot de l’Evangile, la Bonne Nouvelle. Partager en vérité, comme le pain dans un repas, la souffrance d’un seul revient à entrer en compassion, à partager la Passion de Jésus. Et, si nous avons la foi, la souffrance est Espérance. C’est une « Bonne Nouvelle » : croyez à l’Evangile !

« Allons de l’avant »

En lisant ce texte de Marc j’ai eu présente à l’esprit la mort de Sœur Marie-Boniface. On la connaît bien : ses œuvres illustrent généreusement ce site. Au moment où « elle allait dans le mur » comme on dit vulgairement, c’est-à-dire à l’instant de sa mort, avant son dernier souffle elle a prononcé ces simples mots : « Allons de l’avant ! ». C’est qu’en réalité, elle savait que ce mur était une porte. « Je suis la porte », avait dit Jésus. Quittant ce monde qui bien souvent est pire que le désert où Jésus vécut quarante jours, elle savait qu’elle quittait un univers où les puissants de ce monde sont pires que des bêtes sauvages mais elle croyait que le chemin existe qui conduit à travers des communautés humaines où l’on peut s’aimer, tant bien que mal, jusqu’au seuil de ce monde inconnu où règne l’Amour et où Jésus nous attend.

Le Carême commence. Temps de Pénitence ? Si vous voulez, mais surtout temps où l’on rend grâce pour les capacités d’aimer semées en notre cœur, pour ceux qui nous entourent, qui nous aiment et que nous aimons. Temps pendant lequel il faut réapprendre à dire « je t’aime ».

« Heureux les cœurs purs ! »

Michel Jondot


Toujours plus bas

L'enfer est plein d'amour

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert.
Jésus se laisse entraîner par l’Esprit dans un abîme de solitude. Il demeure seul, parmi les bêtes sauvages, tenté par Satan. Sous la poussée de l’Esprit, Jésus descend jusqu’au fond de l’enfer.

L’Esprit l’a saisi ; l’Amour du Père l’emporte. Il le conduit jusqu’au plus profond de la détresse humaine. Jésus demeure là où l’existence humaine est infernale, là où il n’est plus d’humanité possible tant la sauvagerie nous entoure et nous habite, tant l’entourage déchire, blesse et fait mourir. Jésus, poussé par l’Esprit, descend au plus profond de notre humanité marquée par la solitude, la faim, la violence, la férocité et la mort. Il se fait plus pauvre que le plus pauvre de tous les humains. Il descend plus bas que le dernier des derniers, par la force d’un amour qu’il reçoit du Père et qui le rend frère de chacun sans exception.

Par Jésus, l’enfer est plein d’Amour. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. Jésus demeure en enfer, poussé par l’Amour. Il en fait la demeure de Dieu. Nul désormais n’est hors d’atteinte de l’Amour, hors d’atteinte de Dieu.

Le Royaume est tout proche

En Jésus et par lui, Dieu règne. L’Amour règne sans limites. Jésus a traversé à notre place tous les combats où l’homme est tué, maltraité. Quel que soit le démon qui nous taraude, Jésus en est vainqueur. En Jésus et par lui, les temps sont accomplis ; le temps est rempli de Dieu. Par Jésus, toute l’histoire humaine est comblée d’un amour qui la traverse et la dépasse.

En Jésus, le Règne de Dieu est là. Et pourtant, pour nous, il manque encore. Il est proche, tout proche, seulement proche. Il nous reste encore du chemin à parcourir. Il reste à nous convertir : convertissez-vous, dit Jésus. Il nous reste à croire que, par Jésus, l’Amour en nous sera vainqueur : croyez à la Bonne Nouvelle, répète inlassablement Jésus Christ.

Dieu veut nous sauver, et il veut le faire gratuitement, gracieusement. Il nous demande simplement d’y croire, d’y consentir, de l’accueillir. Mais nous oublions souvent le Dieu de l’Alliance ; nous ne sommes pas encore familiarisés avec l’amour purement gratuit que Dieu nous porte. Nous ne sommes pas encore complètement les familiers de Dieu. Il nous reste encore du chemin à faire. Il nous reste l’Espérance.

Avec nous, Jésus parcourt nos routes humaines. Il part pour la Galilée, il nous invite à repartir, à avancer. Sans se lasser, il nous dit : « Croyez à la Bonne Nouvelle ! » Jésus suscite chez les siens la confiance, il la fait grandir et la fortifie.

Le chemin du Royaume

Celui qui consent à se tourner vers Jésus Christ pour recevoir confiance et paix dans les épreuves, devient une créature nouvelle, toujours nouvelle. Il entre chaque jour davantage dans l’intimité de Dieu.

A la suite de Jésus, il marche sur la route des hommes, poussé par l’Esprit. Entraîné par l’Amour du Père, il descendra toujours plus bas. Il demeurera avec Jésus en ces lieux où l’humanité est prisonnière de la haine, de l’injustice, de la bêtise et de la sauvagerie. Par Jésus, il recevra toujours davantage la force de faire tomber les chaînes injustes, de briser les jougs de l’esclavage. Il prendra sur lui la détresse des hommes, comme Jésus s’est chargé de la sienne. Tout homme, aussi défiguré soit-il, trouvera en lui un frère.

Mais, aussi profond que l’Amour l’emporte, il trouvera toujours plus bas, encore plus bas, toujours plus bas que le dernier des derniers, Jésus, plus pauvre que le plus pauvre des humains, Jésus… qui l’attend. Alors, poussé par l’Esprit, il plongera dans cet abîme de pauvreté et connaîtra l’abîme de la richesse de Dieu. Il attirera, à la suite de Jésus, l’univers tout entier dans le royaume du Père, à la hauteur de Dieu.

Christine Fontaine