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Semaine Sainte 2022

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Texte de Paul-Louis Rinuy

Dimanche de Pâques
Grünewald
La Résurrection
Texte de Paul-Louis Rinuy

Dimanche de Pâques

Grünewald
La résurrection



Matthias Grünewald, La Résurrection,
premier volet droit extérieur du retable d’Issenheim, Huile et tempera sur bois de tilleul, 269 × 307 cm, 1512- 1516
Colmar, musée Unterlinden. (wikimedia)

C’est entre 1512 et 1516 que, sur commande de l’ordre des antonins d’Issenheim, le sculpteur Nicolas de Haguenau et le peintre Mathis Nithart dit Grünewald (vers 1480-1528) réalisèrent ce chef-d’œuvre. Cet ordre avait pour vocation de soigner les malades atteints du feu de Saint-Antoine, maladie liée à l’ingestion de l’ergot de seigle. La composition de ce retable aux panneaux articulés, créé pour des malades, propose un itinéraire allant de la lumière de la Naissance à l’éclat du Royaume en traversant les ténèbres de la mort.

Nul n’a vu la Résurrection du Christ. Aucun témoin n’a pu nous la raconter, la décrire ou la dépeindre. Et pourtant nous savons, avec saint Paul, que « si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et votre foi aussi est vaine » (1 Corinthiens, 15).

Matthieu, dans le chapitre 28 (2-4) retrace certes l’arrivée des femmes devant le tombeau, au matin « Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. Il avait l’aspect de l’éclair, et son vêtement était blanc comme neige. Les gardes, dans la crainte qu’ils éprouvèrent, se mirent à trembler et devinrent comme morts. » On comprend qu’à la vue de l’ange du Seigneur les gardes s’effondrent, terrassés par la fulgurance. À terre ou sur le point de tomber, ils lui tournent le dos et ne peuvent voir le Ressuscité. Mais ce que montre Grünewald, comme les autres peintres qui ont voulu représenter la scène, paraît en réalité un peu différent. Le Christ nu, vêtu d'un manteau cramoisi et tenant de la main gauche une bannière blanche, qui symbolise sans doute le triomphe sur la mort, s'élève mystérieusement dans une lumière incandescente qui constitue l’effet plastique de l’œuvre. Le halo rhomboïdal fait écho à la tradition byzantine mais la composition a une dimension quasiment magique. C’est une vision extraordinaire devant laquelle les soldats qui gardent le sépulcre, disposés en demi-cercle, demeurent surpris et stupéfaits. Deux gardes sont renversées tandis que le troisième, avec un casque, semble complètement endormi.

Dans ce retable, qui révèle la vie de Jésus de l’Annonciation jusqu’à la Résurrection en passant par la Nativité, la Passion, et la Mise au tombeau, la puissance éclatante de la scène tient au dynamisme du corps vertical du Christ, qui flotte littéralement, libéré du tombeau et de la pesanteur terrestre. Décentré par rapport à la scène centrale de l’ensemble qu’est la Crucifixion, le panneau, montre une Résurrection qui n’efface pas la mort, ni la souffrance, mais la dépasse. La chair de Jésus rayonne, et son corps glorieux prend une dimension cosmique soulignée par le soleil qui lui sert d’auréole.

Ce que nul n’a vraiment vu, Grünewald ici, ose le montrer, dans cette composition destinée à des malades, et ayant pour fonction de les soigner peut-être, de les réconforter sans nul doute. Ouvrir un avenir en décentrant le regard, par-delà les souffrances et les maladies qui nous emprisonnent, telle est la puissance - divine - de cette peinture humaine : la contempler, fait, réellement, du bien.

Paul-Louis Rinuy