École de Novgorod
Anastasis
14ème siècle, icône sur bois, musée russe, Saint-Pétersbourg, Russie
Dans les évangiles, la résurrection du Christ, événement central et fondateur de toute la foi chrétienne, échappe au récit comme à la représentation. D’où l’intérêt des icônes de la tradition byzantine comme celle-ci, qui reprend le thème de la descente aux Enfers puis du relèvement d’entre les morts, de l’Anastasis. La représentation picturale se fondée sur l’évangile apocryphe de Nicodème (IVe siècle) selon lequel le Christ dans son expérience de la mort pénétra le monde infernal, vainquit Satan et tira de son royaume des Enfers les premiers morts, Adam et Eve notamment, pour les rendre à la lumière de la vie.
Le Christ flottant dans l’espace occupe le centre de cette icône peinte sur un fond doré qui évoque, selon la tradition, la victoire définitive de la vie. Jésus paraît suspendu dans l’espace : avec son corps ressuscité et son vêtement gonflé d’un souffle qui n’anime pas les autres personnages de la scène, il échappe à la pesanteur terrestre. Il est entouré d’une mandorle traversée de rayons de lumière, qui l'isole des personnages environnants. Et Jésus, surtout, saisit de sa main droite le poignet du vieil Adam qu’il arrache vigoureusement des ténèbres de la mort. Sur la droite, on reconnaît Eve, la première femme, vêtue de couleur rouge, symbole de la chair et de l’humanité.
Les portes des enfers, du royaume de la mort, sont brisées en éclats et la noirceur de l’espace qui s’y révèle contraste avec la lumière dorée de la scène. Au centre de ce royaume dans la partie inférieure de l’icône, la clef symbolise le verrou de la mort, que la résurrection du Christ a définitivement vaincue, comme l’exprime la liturgie byzantine du Samedi saint.
« Aujourd’hui l’Enfer s’écrie en gémissant : Mon pouvoir est aboli, j’ai reçu un mort semblable à tous les morts, mais je ne puis le retenir : il me dépouille de tous mes sujets, il ressuscite ceux que depuis les siècles je tenais captifs. »
Le verbe Vockrécat/ Voskrécnout, qui signifie en russe passer d'un état de mort à un état de vie, a donné le substantif Voskreséniié - résurrection - très proche de Voskresénié - dimanche, jour du seigneur. De fait, la Résurrection du Christ inaugure un temps nouveau, celui d’une communauté de femmes et d’hommes qui découvrent ensemble une vie toujours renouvelée. Loin d’être je ne sais quelle victoire miraculeuse et solitaire de Jésus sur la mort, la Résurrection pascale se manifeste ici comme une libération définitive de l’empire de la mort pour nous tous, une aventure solidaire et communautaire. Qui commence maintenant, au moment même où Jésus tient notre main.
Paul-Louis Rinuy